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08/10/2007

"Territoire de la lumière" de Yûko Tsushima

30596.jpgTerritoire de la lumière
Yûko Tsushima

Traduit du japonais par Anne et Cécile Sakaï.
Réimpression.

ISBN : 978-2-7210-0292-1 / 260 pages - 17 €

Office 08/11/2007

Ce « territoire de la lumière » décrit dans le premier et le dernier chapitre, c'est le petit appartement « aux lumières donnant sur les quatre côtés » et « au sol rouge flamboyant sous les rayons du soleil », loué par la narratrice pour y habiter avec sa fille lorsque son mari la quitte. Ce « territoire » est le symbole d'une indépendance douloureusement acquise.

Au fil du récit, on suit le lent apprentissage de la liberté par la jeune femme qui doit élever, seule, sa petite fille de trois ans. Une liberté qui est d’abord une détresse, accentuée par la difficulté de vivre dans une société très codifiée comme l’est la société japonaise. Détresse qui se traduit par une grande lassitude : un certain manque de volonté, un désintérêt, un découragement, et même un agacement à l’égard de sa fille dans les moments où celle-ci, justement, demande une affection dont elle manque.

La complexité de la relation mère-fille est au centre de ce roman : le risque d’un rapport fusionnel une fois que le père n’est plus là ; le risque aussi, pour la mère, de se désintéresser de sa fille une fois que celui avec qui elle a désiré l’avoir n’est plus là.

Mais, alors que ce roman pourrait être assez noir, il s’en dégage au contraire une impression d’apaisement : parce que la rêverie et l’imagination n’en sont jamais absentes, donnant à chaque événement une coloration poétique. Ainsi, une citerne bouchée sur la terrasse, qui provoque chez un voisin une inondation, et la colère de celui-ci, devient source d’émerveillement : c’est comme si la mer était soudain apparue en haut de l’immeuble : « Sur le toit qui aurait dû être complètement sec, des vagues ondulaient, scintillantes. » Angoisse et lassitude laissent toujours place à des moments de grâce : des moments de complicité retrouvée entre mère et fille, des moments, aussi, de complicité retrouvée de la narratrice avec elle-même. Ces moments se traduisent par des descriptions qui savent transformer une réalité angoissante en objet d’émerveillement, où toujours scintille la lumière.

Une fois que l’apprentissage est terminé, la narratrice peut quitter l’appartement dont la chaude lumière a su accueillir sa solitude :

« C’était l’heure où le soleil donnait à plein dans l’appartement, et la clarté rouge qui le remplissait était si vive qu’on croyait suffoquer. Comme celui dont les souvenirs se dérobent après des années d’absence, longtemps je restai debout sur le seuil, à contempler le tableau.
Il s’en dégageait une impression de calme ; tout était immobile.
Lorsque le soleil eut disparu et qu’une obscurité bleutée eut envahi les lieux, je quittai ce troisième étage et descendis dans la rue pour chercher ma fille qui jouait chez des voisins. »


Yûko Tsushima est née en 1947. Elle est la fille du célèbre romancier Osamu Dazai. Étudiante, elle publie ses premières nouvelles qui en font l'un des jeunes écrivains les plus remarquables du Japon. Elle a publié de nombreux romans et recueils de nouvelles, dont un grand nombre ont été traduits en français, parmi lesquels L’enfant de fortune (Des femmes, 1985), Au bord du fleuve de feu (Des femmes, 1987), Les marchands silencieux (Des femmes, 1988), Poursuivie par la lumière de la nuit (Des femmes, 1990), La femme qui court dans la montagne (Albin Michel, 2000)…

Elle a obtenu plusieurs prix littéraires au Japon, dont le Prix de la Littérature Féminine pour L'enfant de fortune.

"Thérèse Clerc, une Antigone aux cheveux blancs" de Danielle Michel-Chich

les-babayagas.jpgThérèse Clerc, une Antigone aux cheveux blancs (titre provisoire)
Danielle Michel-Chich

ISBN : 978-2-7210-0572-4
Environ 160 pages - 16 €


Office 29/11/2007

Danielle Michel-Chich entreprend de faire la biographie de Thérèse Clerc, célèbre militante féministe, récemment initiatrice d’un projet novateur de maison de retraite autogérée pour les femmes : la Maison des Babayagas, une sorte de colocation entre femmes, avec un projet écologique et citoyen. La première de ces maisons ouvrira à la fin de l’année 2007, et c’est notamment pour accompagner cette inauguration que paraît ce livre.

L’auteure part de cette formidable création pour parler de celle qui n’a cessé, toute sa vie, de lutter pour les droits des femmes. Thérèse Clerc, née en 1927 à Paris, issue d’une famille bourgeoise et catholique de droite, mariée à vingt ans, mère de quatre enfants, prend progressivement conscience de sa situation de dépendance et de soumission à l’égard de son mari. Cette prise de conscience est rendue possible d’abord par la découverte, dans sa paroisse, d’un catholicisme progressiste et social ; en 1968, une hospitalisation de plusieurs semaines la place dans une solitude forcée qui lui permet d’adopter une distance critique à l’égard de sa situation conjugale ; enfin, mai 68 achève sa conversion intime. En 1969, elle divorce, et « commence à vivre vraiment ».

La seconde vie de Thérèse Clerc a donc commencé en 1968. Une vie remplie de projets originaux et généreux. Participant au Mouvement de Libération de Femmes, elle devient une féministe active. Militante à la CGT et au PSU, elle fonde également un groupe de contestation féministe au sein de l’Église. Elle crée notamment à la fin des années 90 la Maison des Femmes de Montreuil, une structure destinée à aider les femmes à retrouver un rôle dans la société, en leur proposant une aide juridique, des conseils d’orientation et toutes sortes d’ateliers ; mais c’est surtout un lieu très convivial et très ouvert. Car Thérèse Clerc ne veut pas faire du « social martyre », elle préfère le « social ludique ».

Cette biographie s’appuie largement sur les récits animés, vivants et colorés de Thérèse Clerc, qui a le sens de la formule. Regard subjectif sur une femme d’exception, ce livre parvient à mettre le lecteur en présence de son objet, une présence bien vivante, et même véritablement vivifiante.

Danielle Michel-Chich est journaliste, essayiste et traductrice. Auteure d’articles et de documentaires sur la famille, l’éducation et l’école, elle a publié plusieurs essais, dont Déracinés. Les Pieds-Noirs aujourd’hui (1990), Viens chez moi, j’habite chez mes enfants (1996), et, en 2005, Réussir notre école avec Gérard Aschieri. Elle donne de nombreuses conférences sur la littérature féminine française et américaine contemporaine.

06/10/2007

Pourquoi la non-violence n'est pas une cause perdue ? (après la révolte birmane) par Martine Gozlan ("Marianne" du 6 au 12 octobre 2007)

Grâce aux moines de Rangoon et à la captive Aung San Suu Kyi, l'opinion renoue avec Gandhi et les grandes marches pacifiques contre les tyrannies. Un espoir à l'ère des kamikazes !

Par Martine Gozlan

APRES LA REVOLTE BIRMANE, POURQUOI LA NON-VIOLENCE N'EST PAS UNE CAUSE PERDUE ?

Quel choc ! Au moment où la clique Ben Laden, Zawahiri et autres humanistes associés éructe "oeil pour oeil, dent pour dent, mort pour mort !" sur les ondes terrifiées, une marée de robes solaires jaillit de l'Asie muette. Elle déferle, défie les moussons noires de la haine. Révolte des bonzes birmans aux mains et pieds nus, marcheurs habités par ce qu'on croyait perdu : la non-violence à l'état pur contre l'Etat sauvage. Derrière la barrière de la soldatesque, une orchidée s'incline : Aung San Suu Kyi, aussi translucide que les fleurs qui dansent sur ses cheveux, leader de l'oppposition encagée à vie, prix Nobel de toutes les paix assassinées de la planète.

Le monde frémit. Jusqu'ici, la Birmanie n'était gratifiée que d'une brève, ça et là, dans une presse occupée à 100% par les hauts faits kamikazes. Ici aussi ? Ici aussi. Va t-on se voiler la face ? Le tchador du "no future" moyen-oriental s'est abattu depuis si longtemps sur l'actualité que nous avons oublié l'oxygène. Sur une terre toute proche de celle où naquit le Bouddha, "l'Eveillé", les moines nous ont réveillés.

LES BONZES ET L'ORCHIDEE

Aung San Suu Kyi, aussi détachée d'elle-même que l'était Gandhi, pulvérise d'une voix frêle l'épaisse coque d'indifférence qui asphyxie son pays. Mais pas seulement son pays : avec les bonzes et l'orchidée, c'est la conscience universelle qui retrouve soudain la mémoire. Celle du "pouvoir des sans-pouvoirs", comme Vaclav Havel appelait la non-violence au temps de la "révolution de velours", à Prague, en novembre 1989. Celle de la "force sur la vérité" qui lança les foules indiennes sur les pas du Mahatma, jetant les fondations, malgré les futurs massacres, de la plus grande démocratie du monde. Celle des "mères de la place de Mai", naguère en Argentine, qui ont réussi à faire tournoyer dans le monde entier, avec le nom de leurs enfants disparus, la liberté captive de Buenos Aires. Elles refusaient l'amnésie, notre plus grand mal aujourd'hui.

La fresque de la non-violence est-elle en train de s'effacer, délégitimée par la théorie sauvage qui veut qu'au sang réponde le sang, du quartier à la tribu, de la tribu à l'Etat, de l'Etat à l'Etat ? Les bonzes et l'orchidée ne sont-ils qu'une survivance locale et sublime d'un passé dépassé ? Ou au contraire, dans leur dépouillement lumineux, le symbole d'une rébellion sans armes et sans âge qui parle à tous les coeurs ?

Aung Ko, dissident birman en exil, en résume l'impact, bien au-delà des pagodes assiégées de Rangoon : "Deux choses coexistent en l'homme : l'individuel et l'universel. Tout le problème est de savoir quel côté va vaincre."

Comme Gandhi, qui avait tiré un trait sur sa vie personnelle, Aung San Suu Kyi a choisi de faire taire en elle l'individuel. Captive depuis dix-huit ans, elle a toujours refusé l'exil, même pour assister dans ses derniers moments son mari anglais, Michael Aris, mort en 1999. Elle savait qu'elle ne pourrait jamais revenir dans son pays. De la démocratie volée au peuple en 1988, lors des élections qu'avait remportées son parti, la dame de Rangoon entend rester le symbole, la permanence.

Aung San Suu Kyi est à la fois immobiolité et mouvement, comme le montrent ses rares interviews. Le corps bouge peu, les lèvres articulent doucement mais les mots s'envolent, colombes indociles. Une gestuelle aussi éloignée de celle à laquelle nous ont habitués, partout, les hommes et les femmes de pouvoir que la marche des bonzes l'est d'une manifestation à Gaza ! Cet étang lisse est en réalité un océan de résistance. Car "la non-violence, explique l'historien Jacques Sémelin, n'est pas une non-force, une passivité, une résignation. Ce n'est pas non plus le pacifisme. C'est un combat". ("La non-violence expliquée à mes filles", Le Seuil)

De ce combat, Aung San Suu Kyi a dit qu'il était d'abord dirigé contre la peur. "Un peuple assujetti à une loi de fer et conditionné par la crainte a bien du mal à se libérer des souillures débilitantes de la peur. Mais aucune machinerie d'Etat, fût-elle la plus écrasante, ne peut empêcher le courage de resurgir encore et toujours, car la peur n'est pas l'état naturel de l'individu civilisé", écrit-elle dans son autobiographie ("Se libérer de la peur", éditions Des femmes, 2004).

Faisant taire leur peur, les moines, suivis par le peuple, ont affronté l'armée birmane. Feu à volonté. Le nombre de morts est toujours inconnu et les moines ont été arrêtés. Le tir qui a fait le tour du monde est celui qui a frappé en plein coeur le journaliste japonais Kenji Nagai, abattu de sang-froid par le troufion qui l'avait jeté au sol avec sa caméra. Existe t-il des êtres plus désarmés sur la Terre que des bonzes, une orchidée et un journaliste ? Leur non-violence est-elle une cause perdue ?

CELA S'APPELLE L'ESPOIR

Si elle l'était, l'émissaire de l'ONU ne se serait pas rendu en Birmanie et personne ne préparerait de sanctions contre les bouddhistes en képi qui fusillent leur clergé aux pieds nus (lire ci-contre l'article d'Alain Léauthier). Si plus personne ne croyait qu'une marche pacifique peut changer le monde, il n'y aurait pas eu, en 2004, une "révolution orange" à l'Est, en Ukraine, même si ses principes furent ensuite détournés par certains de ses leaders. L'opposition russe à Poutine n'aurait pas lancé, depuis décembre 2006, des "marches du désaccord" dans la plupart des grandes villes, suivies par des milliers de manifestants malgré la menace de la répression. C'est au cours de l'une de ces démonstrations, le 14 avril dernier, que l'ex-champion d'échecs Gary Kasparov, l'âme des rassemblements, a été arrêtés devant les caméras. Une caméra, c'est important : celle du journaliste japonais à Rangoon lui a coûté la vie.

LES GENERAUX, QUI EXERCENT UNE IMPITOYABLE CENSURE, MISENT SUR LE RETOUR DE LA LOI DU SILENCE. POUR UN TEMPS...

Les généraux qui ont déconnecté la Birmanie de tous les accès à Internet misent une fois de plus sur le retour de la loi du silence. Sans médiatisation, vaincre la non-violence n'est plus qu'un jeu d'enfant sadique. Pour un temps. Car les images de Rangoon, même figées aujourd'hui par la censure, dans les rues maintenant désertes, nous ont permis de renouer - liste non exhaustive - avec Gandhi, Martin Luther King, Sakharov, Rigoberta Menchu. Bref avec tous ceux qui ont voulu rompre l'enchaînement sans fin du mensonge et de la violence. C'est très beau et moins rare qu'on veut nous le faire croire. Cela s'appelle l'espoir.

Martine Gozlan

Illustration : Photo Rangoon le 23 septembre

Derrière les soldats birmans, le prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, assignée à résidence depuis dix-huit ans, apparaît à la porte de sa demeure pour manifester son soutien au mouvement de protestation des bonzes contre la junte militaire.

05/10/2007

Salon du Livre de la Louptière Thénard les 17 et 18 novembre prochains (lectures accompagnées d'un luthier, en musique !!!)

Dédicace + spectacle de lecture & musique sur "Rue de Rome" avec Pomme Jouffroy accompagné de son luthier, Sébastien.

Voltaire / Du Deffand dans Livres Hebdo du 5 octobre 2007

deffand_madame.jpg41I8dtH7W%2BL.jpgVoltaire, Du Deffand Marie

Cher Voltaire : la correspondance de madame du Deffand avec Voltaire / présentée par Isabelle et Jean-Louis Vissière - Nouvel. éd. - Paris, Des femmes - Antoinette Fouque, 2007

Lettres échangées de 1759 à 1778 permettant de restituer la vie quotidienne des deux personnages et fournissant un témoignage sur la génèse et la diffusion de l'oeuvre voltairienne. Constitue également une chronique de la vie littéraire, politique et philosophique de cette période.

Br. 22 E

04/10/2007

"Traverse !" le 27 octobre : Spécial Pomme Jouffroy

Pomme Jouffroy sera l'invitée de "Traverse !", l'émission de Françoise Objois sur Radio Campus 106.6 FM http://www-radio-campus.univ-lille1.fr/

"Res Nullius" en course pour le Prix Marguerite Duras !!!

Grâce à Chantal Chawaf, qui a eu la seconde idée lumineuse de le proposer aux autres membres du jury, "Res Nullius" est candidat à la première sélection du Prix Marguerite Duras.

Objectif du Prix d'après le Président de son jury, Alain Vircondelet, l'attribuer à un livre qui n'aurait pas fait honte à Marguerite Duras. Nulle recherche de clône dans la démarche, mais en revanche, une exigence de qualité, d'innovation et de modernité de l'oeuvre heureuse élue.

Première réunion du jury le 14 novembre.

Livres sans frontières dans la revue César d'octobre 2007

Revue César, octobre 2007

Le 20ème festival du Livre de Mouans-Sartoux propose cette année de retisser les liens, d'aller chercher au-delà des murs l'humanité, de faire de cette belle rencontre littéraire une rencontre sans frontières. C'est en fait un gigantesque espace de rencontres et de discussions autour des idées et des livres, entre les auteurs et les lecteurs. Un festival à la parole libre qui ouvre grand les yeux sur la société, pour faire tomber les murs, comme l'annonce cette édition. Poètes, écrivains, artistes, cinéastes sont notamment invités à débattre ensemble : à noter le grand débat entre Albert Jacquard, Julia Kristeva, Michel Maffesoli, Marilyne Desbiolles et René Backmann sur le thème "Au-delà des murs, l'humanité (le 5/10), celui qui portera sur la discrimination invisible avec Julia Kristeva, Amin Maalouf, Geneviève Fraisse, Yamina Benguigui et Antoinette Fouque ou encore L'indépendance des éditeurs qui sera porté par Olivier Nora, Marion Hennebert et Françoise Nyssen... Rendez-vous littéraire mais aussi cinématographique avec une rétrospective des films d'Amos Gitaï, en sa présence. Désengagement (2007), News from home/ news from house (2006), Kedma (2002)... seront projetés et suivis de débats. Enfin, pour la 4ème année, le Prix de l'inédit récompensera un manuscrit et non une oeuvre déjà publiée, qui sera éditée par Actes Sud. D.M. (du 5 au 7.10.07)

Du rififi en Birmanie - Ce qu'en pensent certains de nos confrères étrangers (par Nicolas Gauthier dans NH, 4 au 10.10.07)

Du rififi en Birmanie - Ce qu'en pensent certains de nos confrères étrangers

Il en va de certaines révoltes "populaires" comme des générations : elles sont données pour spontanées. La Roumanie jadis, l'Ukraine naguère ; la Birmanie aujourd'hui. Et comme à chaque fois, la compassion médiatique qui tient lieu de réflexion, l'émotion pour seul recul et l'hypocrisie en toile de fond. Certains journaux étrangers ne s'en laissent pas pour autant compter.

Voilà quelques jours que les journaux français vivent au rythme des trottoirs de Rangoon, capitale du Myanmar. "Ténèbres", titre Le Journal du Dimanche, le 30 septembre dernier, sous la plume d'un Jacques Espérandieu dont le patronyme pousserait plutôt à en désespérer. Lequel assure, après avoir emprunté le titre de son éditorial à un film d'épouvante de Dario Argento : "Ainsi donc, rien n'y aura fait. Ni les sanctions "personnelles" de Georges Bush. Ni les remontrances de Nicolas Sarkozy." Qu'en peu de mots, tant de choses sont résumées. L'arrogance, pour commencer. Comme si la politique de Ranggon n'avait d'autre vocation que d'être dictée de Washington ou de Paris ; comme quoi le néo-colonialisme de l'Occident est encore plus pervers que la politique colonialiste européenne d'autrefois, initiée par cet étrange attelage consistant à unir intérêts commerciaux de compagnies hollandaises et anglaises et racisme militant de notre Troisième République anticléricale. Puis, la distribution des rôles - le casting, dirait-on à Hollywood - , les "sanctions" de Bush et les "remontrances" de Sarkozy. Soit toute la différence qui puisse exister, dans la cour d'une école, entre un surveillant général et un vulgaire pion. Entre le donneur d'ordres et celui qui est censé les appliquer.

Le Monde, daté du même jour, n'est pas en reste. Mais en fait finalement un peu trop en dernière page, publiant plein format une publicité de l'Alliance des femmes pour la démocratie, justement consacrée à nos affaires birmanes. En photo grand format, l'inévitable Aung San Suu Kyi. En taille plus modeste, toujours Aung San Suu Kyi, flanquée de l'impayable Antoinette Fouque, figure française du féminisme de ménopause, surtout connue pour avoir été élue sur la liste de Bernard Tapie, aux élections européennes de 1994, en compagnie de l'actrice Mylène Demongeot, c'est vous dire le sérieux de l'affaire. Pour le reste, la télévision s'est chargée du service après-vente ; voir, ci-dessous, la chronique de Béatrice Péreire.

Quand les Russes et les Italiens s'y mettent...

Par chance nos confrères de l'étranger ne sont pas tous aussi pusillanimes qu'ici. Et le toujours excellent site voxnr.com n'a pas son pareil pour s'en aller chercher, dans d'autres médias, les voix discordantes. Ainsi, le quotidien russe Kommersant, dans une longue analyse de la situation publiée le 28 septembre dernier, note t-il que "le grand perdant d'un changement de régime à Rangoon serait la Russie, car si des forces "démocratiques" arrivent au pouvoir, tout porte à croire qu'elles s'orienteront sur les Etats-Unis. Et si les intérêts de Pékin semblent garantis par une énorme diaspora chinoise et la proximité des frontières, Moscou n'a pas à espérer poursuivre la coopération au même niveau." Voilà qui est intéressant, d'autant plus intéressant que cette information est complétée par les informations et analyses du site italien Coordinamento Progetto Eurasia (cpeurasia.org), prônant alliance entre Europe et Asie, dont les textes sont connus pour être tout, hormis farfelus : "Derrière les protestations des moines bouddhistes de ces jours derniers, et après les tensions entre groupes ethniques artificiellement exagérées précédemment, se dissimulent des manoeuvres occidentales pour déstabiliser ce pays, afin de s'emparer de ses ressources et d'y installer un régime "démocratique", plus favorable aux intérêts financiers et économiques de l'Occident americocentrique. L'instrumentalisation des tensions internes au Myanmar vise, en particulier, à bloquer le projet stratégique d'un gazoduc qui, partant de l'Iran, traverserait l'Inde et le Myanmar et se terminerait en Chine." Et ce site de rappeler que "Rangoon est sous "observation" des USA depuis 1997, lorsque l'administration américaine, représentée par le démocrate Clinton, établit l'embargo sur les investissements nord-américains au Myanmar. Pire, la résistance du gouvernement de Rangoon a provoqué les représailles économiques et financières voulues par le Républicain Bush, en conséquence desquelles les importations et les exportations des produits financiers entre les USA et le Myanmar sont bloqués depuis 2003. Aujourd'hui, l'Union Européenne renouvelle l'interdiction des investissements en Myanmar, prise en 2001, et limite les relations diplomatiques, rendant ainsi difficile toute solution pacifique." C'est dire s'il est licite de tenir toute cette agitation pour spontanée, surtout lorsque aiguisée par des ONG dont on sait, qu'américaines, européennes ou islamistes, elles sont immanquablement peu ou prou liées à d'autres officines, dépandant, elles, des services secrets et autres organisations terroristes.

Avec Bernard Kouchner, c'est la totale !

Le problème n'est bien sûr pas de voler au secours de la junte birmane et de dicter au bonzes locaux leur conduite. Mais qu'il nous soit au moins permis de rappeler que, dans cette affaire, tous les éléments sont réunis pour observer la plus élémentaire des prudences. Gaz et pétrole, accords avec l'Inde et la Chine - les pires ennemis de Washington - , sans compter l'Iran, son actuel épouvantail à gogos. Et qu'un Nicolas Sarkozy n'est pas forcément le mieux placé pour faire ses remontrances au Myanmar, sachant que son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a signé, il y a peu, un rapport assurant que cette junte militaire n'était pas si militaire qu'on voulait bien le prétendre et que les sociétés françaises pouvaient, là-bas, continuer d'investir. Le rapport en question a été commandité et payé par Total. Décidément, on n'en sort pas. Quant à Aung San Suu Kyi, elle est très jolie. Et Antoinette, elle est très chouette.

Nicolas Gauthier

03/10/2007

François Guéry, toujours disponible à l'écoute sur le net !

Vous pouvez toujours écouter François Guéry dans l'excellente émission littéraire "Parlez-moi la vie" de Jocelyne Sauvard sur idFM98 (radio 98.0 FM et internet http://www.idfm98.fr) diffusée pour la première fois le mardi 4 septembre, de 20 h à 22 h. Le grand philosophe s'y exprime en seconde partie sur un sujet intitulé "Le petit monde d'Antoinette", dans lequel il évoque son amie éditrice éditrice, comme son livre.

http://www.jocelynesauvard.fr/pages/radio.html