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18/06/2010

Emmanuel Pierrat, Charles Juliet, Hélène Martin... seront heureux de vous rencontrer lors du Marché de la Poésie (stand F1 des éditions Des femmes-Antoinette Fouque, du 18 au 20 juin 2010, Place Saint-Sulpice)

Les éditions Des femmes-Antoinette Fouque vous invitent à rencontrer sur leur stand F1 (à l'occasion du Marché de la Poésie, Place Saint-Sulpice, 75006 Paris, 01.42.22.60.74)

 - Emmanuel Pierrat :Troublé de l'éveil, La Bibliothèque des voix / Vendredi 18 juin à 15h00

 - Françoise Collin, On dirait une ville / Samedi 19 juin à 15h00

 - Chantal Chawaf, Je suis née / Samedi 19 juin à 16h00

 - Charles Juliet et Valérie Dréville, J'ai cherché, La Bibliothèque des voix / Samedi 19 juin à 17h00

 - Jacqueline Merville, Presque africaine / Dimanche 20 juin à 14h00

 - Hélène Martin, Journal d'une voix, La Bibliothèque des voix / Dimanche 20 juin à 15h00

09/06/2010

Joël Schmidt, fidèle lecteur de Chantal Chawaf n'a pas oublié "Je suis née" (REFORME, 27 mai 2010)

chawaf.jpgREFORME N°3370 - 27 MAI 2010
 
TENDANCES - ROMANS. Les femmes écrivent leur corps, le corps des femmes écrit : quatre romans dérangeants qui touchent aux interdits de l'inconscient, sur fond de misère sexuelle, du caché et du tu, d'emprise psychologique et d'une mise sous boisseau.
 
LES CORPS QUI ECRIVENT
 
(...)
 
"Je suis née, de Chantal Chawaf : comme au sein des noces mystérieuses du conscient et de l'inconscient"
 
ACCOUCHEMENT
 
Il y a longtemps que je pense que Chantal Chawaf est le plus singulier de nos écrivains qui écrivait sur le registre de l'humoral, du corps intérieur, des romans fascinants, audacieux, prodigieusement alimentés de sèves, de sang, de veines, comme si ses personnages étaient enveloppés d'un tissu placentaire. Je suis née nous donne les clefs de cette étrangeté qui n'était pas inquiétante, comme aurait dit Freud, mais énigmatique. Marie-Antoinette, sous laquelle on reconnaît l'auteur, est née au moment du bombardement de Boulogne en septembre 1943, arrachée au ventre de sa mère morte tandis que son père décédait aussi. Adoptée, ayant appris la vérité, elle va mener une enquête douloureuse dans l'abstrait des archives et le concept des témoignages. Peu à peu, elle comprend mieux et non sans angoisse, sans révolte, sans tourment, les secrets dont elle a été entourée qui l'ont protégée tout en la cachant à la vérité.
 
Comme une révélation, les sésames de son oeuvre qui s'enfonçait dans les ventres imaginaires, dans des artères fantasmées, dans des profondeurs liquides, dans des univers aquatiques, se découvrent. Son oeuvre romanesque en sera comme l'alpha et l'oméga. Le caché et le tu deviennent ouverture et parole, l'écrivain sait les chemins exorcistes où elle s'est engagée, et ses lecteurs, sans que la magie de son style et celle de son imagination en soient violées, saisissent une des démarches les plus extraordinaires qu'un écrivain puisse faire au sein des noces mystértieuses du conscient et de l'inconscient, selon la phrase de Cocteau. Avec Je suis née, Chantal Chawaf s'est accouchée. Prodigieux.
 
POSSESSION
 
La narractrice de Sarah Chiche, décalée de la vie par un divorce et la mort d'une grand-mère, tente, elle aussi, de naître, mais avec le secours d'un thérapeute dont elle va subir l'emprise de plus en plus démoniaque, au point de traverser l'Enfer et de se retrouver face à Satan, prête à être exorcisée. Entre les deux romans, celui de Sarah Chiche et celui de Chantal Chawaf, court un lien qui fait les deux soeurs, mais comme tête-bêche. La première doit évacuer la possession psychologique d'un pervers pour se retrouver, alors que la seconde a tendu toutes les fibres de sa chair pour se reconstruire seule. Leur aboutissement est toutefois semblable.
 
L'emprise de Sarah Chiche, dont j'avais chroniqué le premier roman, L'Inachevée, est envoûtant et terrifiant parce qu'il touche lui aussi à des interdits que l'inconscient sécrète pour ne plus se découvrir. Parce qu'il fait d'une femme la proie d'un homme pervers et manipulateur au point qu'elle s'arrachera à ses serres psychologiques non sans mal. C'est un roman qui, comme celui de Chantal Chawaf et comme les nouvelles d'Astrid Eliard, ne pouvait être écrit que par une femme. Quoi qu'opn en dise et pense, ces trois femmes étaient seules capables d'aller si loin, si abruptement dans des cauchemars nécessaires pour s'en extraire et revivre. Aucun homme n'aurait pu le faire avec cette franchise et cette densité.
 
(...)
 
Joël Schmidt
 
A LIRE
 
Nuits de noces
nouvelles
Astrid Eliard, Mercure de France, 148 pages, 14,80 euros
 
Je suis née
Chantal Chawaf
Editions Des femmes-Antoinette Fouque, 561 pages, 20 euros
 
L'Emprise
Sarah Chiche
Grasset, 181 pages, 15 euros
 
La fille
Michèle Gazier
Le Seuil, 171 pages, 16,50 euros

07/05/2010

Santé Yoga - Isabelle Clerc signe un joli article sur "Je suis née" (mai 2010)

yoga.jpgcha.jpgIsabelle Clerc
N°106 Mai 2010
 
SANTE YOGA
 
Ecrit dans la chair
 
Dans "Je suis née", l'écrivain Chantal Chawaf, élucide plusieurs décennies après, des mini récits de son enfance, qui montrent qu'elle savait dans sa chair ce que son entourage s'était ingénié à lui cacher pour la protéger du drame de ses origines, qui l'avait privée de ses parents et de sa famille, à la suite du bombardement de la porte de Saint-Cloud. Toute petite, elle écrivait créant les multiples versions imaginaires de son arrachement. "Même enfantine, la langue a des pouvoirs de medium, dit-elle. Elle exprime la connaissance enfouie". La langue a effectivement ce don d'intériorité qui permet au corps de parler comme la yoga, ajouterai-je, qui permet de revenir vers la source, une fois les traumatismes reconnus, identifiés et retraversés à la lumière de la connaissance. "Je suis née", Chantal Chawaf, des femmes-Antoinette Fouque.

06/05/2010

Argoul a lu "Je suis née" de Chantal Chawaf (Fugues et fougue, 6 mai 2010)

Jeudi 06 mai 2010

Titre étrange puisque vous êtes nés aussi, l’auteur comme chacun de ses lecteurs. Mais titre qui intrigue justement parce que la naissance fait problème : naître des morts est peu courant, surtout lorsque vos deux parents disparaissent d’un coup au même moment – ce moment vital qui est celui de la naissance…

chantal-chawaf-je-suis-nee.1272973276.jpgNous sommes le 15 septembre 1943 à 20h30. Le énième bombardement les usines de l’ouest de Paris, dont Renault qui collaborait avec l’Occupant, a fait plus de sept mille morts durant la guerre. Mais ce jour-là, ce sont trois occupants d’une voiture qui sont fauchés porte de Saint-Cloud. Le chauffeur est le père, la passagère arrière la tante et la passagère avant sa femme – la mère. Enceinte, on l’accouche par césarienne in extremis d’une petite fille. C’est cette histoire que nous conte Chantal – son histoire.

Adoptée illégalement par des bourgeois, on lui taira sa naissance et les papiers seront détruits pour que jamais elle ne retrouve sa famille. A l’époque, on pensait le traumatisme trop fort pour une enfant, tandis que le couple stérile se voyait doté d’une fille de bonne origine. Mais le Nom-du-Père hantera la petite Chantal toute son enfance durant, ses écrits de 7 à 13 ans, publiés en annexe, en sont le touchant témoignage. La névrose traumatique fait passer le manque par le langage. Elle évacuera dans l’écriture cette angoisse existentielle du non-dit, du mensonge originel, de la peur tout bébé. D’où ce refuge dans le lourd manteau noir de la chercheuse d’archives, la cinquantaine venue, qui a donné son titre à la première édition de 1998.

Ce gros livre est remarquablement écrit, les phrases fluides au vocabulaire étendu n’hésitent pas à prendre parfois des longueurs à la Proust, sans jamais insister, ou d’établir des litanies à la Céline pour bien marquer le répétitif. Le ton s’adapte aux conditions des gens, mais l’argot parigot de ‘Madame de’ qui fut sa mère adoptive étonne. D’où vient ce parler popu d’une dame à particule qui se pique d’habiter Auteuil ? D’où vient aussi que l’auteur dit être heureusement accouchée page 12, tandis qu’elle se déclare sans enfants page 501 ? Peut-être me pardonnera-t-elle ma lecture, mais j’ai hésité entre récit et roman, ce qui ne se lit pas pareil. L’un et l’autre étaient possibles mais le texte hésite. Toute la « Première époque », jusqu’à la page 279 ressort du roman. Le lecteur marche mais, lorsqu’il parvient à la partie suivante, il trouve du récit. Toujours bien écrit mais – face sombre du lyrisme orienté vers la lumière du début – devenu méticuleux, obsessionnel, dans le ressassement. Le choc des deux parties rend le lecteur mal à l’aise. chantal-chawaf.1272973284.jpg

Pourtant, c’est bien l’écriture qui sauve le livre. Le style, c’est l’homme. Ici la femme, mais le français entend le mot « homme » au sens neutre d’être humain lorsqu’il prend le ton de la généralité (il est bon de rappeler cette évidence aux féministes). L’auteur « essaiera de transfuser la vie dans les mots comme du sang dans les veines. Elle va essayer d’écrire… Au nom de la vie » p.525. Essai plutôt réussi, à lire pour le ton neuf qu’il apporte dans la production française !

Chantal Chawaf, Je suis née, 2010, édition des Femmes, 561 pages, 19€

04/05/2010

Jocelyne Sauvard invite Chantal Chawaf dans "Parlez-moi la Vie" sur IdFM 98 (mardi 4 mai 2010, de 20 h à 22 h))

jo.jpg
Un IMMENSE MERCI à la chère Jocelyne Sauvard  
pour avoir mardi 4 mai de 20 h à 22 h, consacré en partie une émission à Chantal Chawaf sur IdFM 98 (on peut aussi la réécouter ici : http://www.idfm98.fr/index10.php?zone=emission&id=172)
 
Jocelyne Sauvard a ce jour-là reçu Christian Bobin, Chantal Chawaf, et commenté l'oeuvre de Marguerite Duras (lectures d'extraits)

 
"Parlez-moi la vie", sur IdFM98, IdFM.fr, tous les premiers mardi de chaque mois, une émission de jocelyne sauvard. http://www.jocelynesauvard.fr/pages/radio.html

cha.jpgInformations sur le site : http://www.jocelynesauvard.fr , pages Accueil,  Actualité et Radio, ou sur le site IDFM.FR - Enregistrement possible in live
 

03/05/2010

André Nahum, de Judaïques FM, interviewe Chantal Chawaf (3 mai 2010)

AndreNahum_002.jpg
 cha.jpgLundi 3 mai à 21 h, l'excellent André Nahum, fidèle lecteur de Chantal Chawaf a choisi de l'interviewer avec deux autres écrivains dans son émission sur Judaïques FM 94.8.

29/04/2010

"Je suis née" de Chantal Chawaf, en couverture de La Quinzaine littéraire (1er au 15 mai 2010) - Article de Laurence Zordan

jesuisnee.jpgLa Quinzaine littéraire du 1er au 15 mai 2010
 
Ciel tombeau par Laurence Zordan
 
Romans, Récits
Chantal Chawaf Je suis née
Ed. des Femmes/Antoinette Fouque, 563 p., 20 euros
 
Le ciel de la Seconde Guerre mondiale fut des plus meurtrier pour les civils. Horreur d'un mouvement ascensionnel dans le ciel de l'Holocauste ("vous aurez alors une tombe dans les nuages où l'on n'est pas serré"), ou au contraire létale avalanche, promesse de carnage par l'impitoyable chute des bombes atteignant parfois ceux qu'elles devaient libérer. En cherchant à frapper l'occupant, les avions alliés faisaient parfois des victimes collatérales. Cette expression volontiers employée aujourd'hui élude la chair et le sang. Le livre de Chantal Chawaf en restitue la vividité, cette impression qui persiste même lorsqu'on l'on referme l'ouvrage, même lorsqu'on lève les yeux, selon l'image d'Yves Bonnefoy, ajoutant que c'est alors le moment où le lecteur, encore habité par sa lecture, la noue à sa propre existence. A quoi nous fait naître Je suis née ? Peut-être à une "poéthique" du ciel, à une poésie signant la quête de vérité, l'éthique d'une pure authenticité.
***
Je suis née n'est pas né d'emblée puisque c'est la réédition d'un livre débaptisé, Le Manteau noir, paru en 1998. En se dépouillant de ce titre-vêtement, à quelle nudité l'ouvrage accède t-il ? Dans Nudités, Giorgio Agamben rappelle que celle-ci est "quelque chose qu'on aperçoit", tandis que l'absence de vêtements passe inaperçue. Quelle part d'inédit perçoit-on en 2010, qui échappait en 1998 ?  De quoi était recouvert le texte, il y a plus de dix ans ? La référence théologique du philosophe souligne qu'avant la chute, l'homme existait pour Dieu de manière telle que son corps, même en l'absence de vêtement, n'était pas nu. Ce "ne pas être nu" du corps humain, même en l'absence apparente de vêtement, s'explique par le fait que la grâce surnaturelle entourait la personne humaine comme un vêtement.
***
Appliqué à une théorie de la littérature, cet accent mis sur le "vêtir" pourrait suggérer qu'il faut affronter un dénudement d'après les interprétations estampillées, telles que "écriture féminine". Je suis née fait naître à d'autres interprétations du Manteau noir. "C'est après avoir choisi avec enthousiasme le titre qu'Antoinette Fouque me proposait à la place de celui de la première édition de ce texte, que j'ai eu l'idée de relire mes écrits d'enfant", confie l'auteur dans une préface, montrant que se dessine alors une réinterprétation allant au-delà d'une simple rétrospection. Une élucidation ne se ramène pas à une évocation. Je suis née refuse le verrouillage interprétatif qui se voudrait définitif. "Penser n'est pas posséder des objets de pensée, c'est circonscrire par eux un domaine à penser, que nous ne pensons donc pas encore", écrivait Merleau-Ponty.
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En cette échappée vers l'encore-à-penser nous ouvre à des correspondances, à des résonances. L'illustration de couverture, la Vénus de Lespugue, fait songer au poème que Robert Ganzo lui a consacré : "...Ton torse lentement se cambre et ton destin s'est accompli. Tu seras aux veilleuses d'ambre de notre asile ensevelie, vivante après nos corps épars, comme une présence enfermée, quand nous aurons rendu nos parts de brise, d'onde et de fumée". Présence maternelle qui survit à la mort, même lorsque la femme enceinte est tuée sous les bombardements, même lorsque l'enfant naît par césarienne d'une mère défunte. Et Chantal Chawaf raconte l'histoire de l'enfant funéraire qui porte en elle la clarté miraculeuse d'une vie réchappée des bombes.
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Je suis née devient ainsi "je suis née" de la mort. Le titre est talisman, magie qui écarte les puissances mortifères. Le titre est aussi témoignage, il prend à témoin, il est le faire-part qui annonce l'inconcevable. Mais il est aussi référence non dite au "j'étais né" de Romain Gary dans La Promesse de l'aube : "Un matin, au retour d'une mission particulièrement animée - nous faisions alors des sorties en vol rasant, à dix mètres du sol, et trois camarades étaient allés ce jour-là au tapis - je trouvai le télégramme d'un éditeur anglais m'annonçant son intention de faire traduire mon roman et de le publier dans les plus brefs délais. J'ôtai mon casque et mes gants et restai longtemps là, dans ma tenue de vol, regardant le télégramme. J'étais né."
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Naissance à l'écriture grâce à la reconnaissance éditoriale, pour l'aviateur, héros de la France libre. Naissance à l'écriture de l'orpheline de guerre, dont les parents ont péri... à cause des avions. Funeste chassé-croisé, où l'aviateur ôte son casque et ses gants, tandis que l'enfant est "ôtée" du ventre de la mère. Naissance à une étincelante mystification, avec le "j'étais né" qui fera naître d'autres "je", comme celui d'Emile Ajar. A l'inverse, naissance à une volonté de vérité qui s'emploiera à dénoncer la mystification entourant le bébé adopté illégalement. Quête de vérité, enquête, afin de mettre au jour la falsification de l'acte de naissance prétendant que l'enfant a été abandonnée, tuant ainsi une seconde fois ses vrais parents. Si l'oeuvre de Gary ouvre à un "je" légendaire, celle de Chantal Chawaf semble esquisser un "je" légataire, bénéficiaire d'un legs dont on a voulu le spolier, cette "origine qui, du fond de la mort, même inaccessible au cerveau, persiste à briller dans l'obscurité".
***
Authenticité face à tous les faussaires qui parlent la langue de l'Occupation : "On administre les morceaux de chair morte, informe. L'Etat français tente de se donner une contenance à travers le travail de ses fonctionnaires. Les enquêtes, les procès-verbaux, les compte-rendus écrits s'accumulent après chaque bombardement. L'Etat maintient l'ordre... Il rédige, il légalise les êtres humains, les viscères arrachés. On traduit en langue administrative, en rapports adressés à la police d'Occupation le peuple des morts." La langue de l'auteur refuse cette langue-là, préfère le mutisme face à la gouaille de la mère adoptive, se révèle réticente à emprunter les chemins du témoignage. L'écriture de Chantal Chawaf n'est pas "mémorielle". Elle n'a pas vocation à se satisfaire du devoir de mémoire. Se borner à écouter ceux qui témoignent n'étanche pas la soif de vérité : "pour elle, la guerre, ce sont des parents tués, elle veut voir la guerre avec les yeux qu'elle a pour imaginer ses parents ; elle doit chercher à voir, elle doit se donner du mal pour voir... Il ne suffit pas d'écouter".
***
Cette exigence soustrait le livre à l'emprise de l'écriture du moi. Se distinguant de l'autobiographie, dont on a pu dire qu'elle se voulait explicative et unificatrice, il s'agit plutôt de rassembler des fragments, des bribes. Chantal Chawaf ne cède pas aux tentations de l'autofiction voulant que l'on mette sa vie en récit. Ou, si mise en récit il y a, elle regarde vers le ciel et non vers le nombril. Elle continue à élucider la phrase énigmatique de Kafka : "Les corbeaux affirment qu'un seul corbeau pourrait détruire les cieux. Cela est indubitable, mais ne prouve rien contre les cieux, parce que les cieux n'ont d'autre signification que l'impossibilité des corbeaux." L'impossibilité des corbeaux peut signifier que l'abri utérin est plus fort que tous les blindages, protégeant l'enfant à naître, alors que tout n'est que déflagration autour d'elle. La guerre comme expérience intérieure, intitulé d'un opuscule d'Ernst Jünger : Je suis née donne un sens non militariste à un tel énoncé.

21/04/2010

Claudie Kibler cite Chantal Chawaf à propos de Serge Plagnol (La Marseillaise, 21 avril 2010)

cha.jpgLa Marseillaise Edition Le Varois
21 avril 2010
 
Devant un paysage immense et si beau, Serge Plagnol entouré de ses amis Alin Avila, M. Arada de la Galerie Area à Paris, Léo Trouillas, photographe, et Jean-Pierre Lebris.
 
Exposition. Le Toulonnais Serge Plagnol à la Villa Tamaris Pacha.
 
ITINERAIRE D'UN ARTISTE QUI AIME LA FORÊT
 
Que l'oeuvre ici accrochée est belle ! Elle habite l'espace naturellement, avec évidence.
 
Pour Serge Plagnol, toulonnais, il était important d'exposer en la Villa Tamaris Pacha, ce lieu mythique chargé d'histoire, de l'autre côté de la rade, où face à face Toulon et la Seyne regardent vers les Deux Frères, ces rochers si chers à l'artiste... "Je les avais peints lorsque j'avais quinze ans", déclare l'artiste.
 
Les oeuvres se côtoient "parce qu'elles entrent en vibration, sont en correspondance, et non pas parce qu'elles furent créées à la même époque". Plénitude, harmonie, émotion...
 
"Je retrouve des oeuvres de collections privées que je n'avais pas vues depuis quinze ans". Emu, l'artiste évoque avec tendresse et reconnaissance les articles remarquables qu'écrivit alors Louise Baron. Ce n'est pas une rétrospective mais un parcours de vingt ans que le visiteur découvre sur les trois niveaux.
 
Alin Avila est séduit par les "Paysages de Pan" qui se déploient sous ses yeux comme des fresques. En osmose avec l'oeuvre qui le renvoie aux sources de la vie, à l'essence même de l'univers, le passant contemple sans se lasser les "Veilleurs de nuit" que sont les cyprès, inscrits dans l'éternité, dont on perçoit la musique, les vibrations émises. Soudain apparaît un visage de femme, image transfigurée, subliminale, palimpseste : Serge Plagnol inscrit la mémoire d'une photo de sa mère retravaillée, à peine apparente, lointaine. "La peinture est porteuse de souvenir", dit l'artiste...
 
"La femme, l'arbre, pour Serge c'est la même chose", lance Alin Avila, ami d'enfance et collectionneur galeriste à Paris. "Sa peinture fait penser à l'origine de la vie, par cette présence obsessionnelle, presque hallucinée, du sexe de la femme, dans le geste visionnaire du coloriste, puissant dans son don d'alchimiste de désintégrer le dessin des formes. C'est là qu'il renoue, consciemment ou inconsciemment avec les origines de l'Art, de la peinture. Cette symbolique spiritualité fossile transmise par les premiers hommes, créateurs des mystérieuses figures paléolithiques représentant les signes couplés jusqu'à l'abstrait des organes masculins et féminins dans une célébration énigmatique de l'humanité, continue dans l'oeuvre de Serge Plagnol, descendant novateur de nos ancêtres magdaléniens", commente Chantal Chawaf, écrivain, dont le dernier ouvrage "Je suis née", sidérante immersion dans le monde des morts, vient d'être publié par Antoinette Fouque.
 
Paysage de la mer avec visage de la mère... Retour à l'essentiel, la vie, la mère qui donne la vie, la mer à Tamaris, source de vie, les arbres sans lesquels il n'y a pas de vie... D'où cette plénitude en contemplation. Le bonheur.
 
"Extraordinaire", commente Biel Genty, graveur. "Serge a tout de même exposé une centaine de toiles à l'Orangerie du Sénat. Ce n'est pas rien", s'exclame, admiratif, Pierre-Yves Lebris, cameraman.
 
Création de la vie, de l'Art, d'arbres indispensables à la vie qui dans l'oeuvre de Serge Plagnol sont habités d'une forte spiritualité.
 
Claudie Kibler Andreotti

23/03/2010

"Je suis née" de Chantal Chawaf (première édition Flammarion en 1998 sous le titre "Le Manteau noir") - (nouveauté Salon du Livre de Paris 2010)

je suis née_couv.jpgJE SUIS Nee

Chantal Chawaf

 

MARS 2010 FICTION

Le 4 avril 1943, un bombardement fait près de 500 morts à Boulogne et à Auteuil. Parmi eux, un couple en route vers la maternité. Avant de mourir, la femme met au monde une petite fille.  

Je suis née est le récit de cette naissance sous les bombes où le don de vie à l’enfant et la mort de la mère se superposent. Absence et plénitude sensorielle. Cri de vie au milieu d’une tragédie qui irrigue de manière troublante les souvenirs et la chair de la petite fille tenue jusqu’à l’âge de vingt ans dans l’ignorance de sa généalogie par ceux qui l’ont illégalement adoptée.

Naissance tronquée, vie frelatée. Informée de ce que son corps, son inconscient, son écriture, n’ont en réalité jamais cessé de savoir, elle part à la recherche de ses parents disparus, questionne des témoins, s’engage dans l’enfer des archives où elle rencontre la réalité administrative sordide de l’Etat français sous le régime de Vichy, et la mémoire des milliers de victimes civiles sacrifiées dont elle prend sur elle la douleur. Elle finira par comprendre que fille, elle est la partie de la mère qui est sauvée et qui peut continuer la vie.

« Ce lien vient du corps et il a la force de l’esprit qui survit au corps ».

C’est ce lien que par et dans son écriture Chantal Chawaf explore, lien d’avant l’état-civil, approfondi, biologique et psychique à la mère, encore largement méconnu, qui commence seulement à être envisagé par les scientifiques.

Initialement paru sous le titre Le Manteau noir (Flammarion, 1998), ce livre d’une violence intensément poétique est ici enrichi et éclairé par des textes d’enfance inédits de l’auteure. Deux âges d’écriture, deux mémoires coexistent de manière saisissante : les résonances entre le texte de l’écrivain adulte et l’écriture instinctive de l’enfant qui ignore, elle, l’origine de son inspiration grave, se répondent, mettant en lumière le même message reçu dans l’obscur passé fœtal qui nous rattache à l’espèce humaine, où se mémorise notre apprentissage du monde.

Ecriture de la naissance, naissance à l’écriture : c’est le sens lumineux de cette double expérience.

Chantal (8905)ok.jpgJE SUIS Nee

Chantal Chawaf

 

ISBN : 978-2-7210-0607-3

Format 13 x 20 cm, environ 500 pages, 20 €

Nouvelle édition (Première édition Flammarion 1998 sous le titre Le Manteau noir)

Office 18 / 03 / 2010

 

            « C’est d’abord un bruit si bas. Ce ronronnement… On l’entend approcher. La mère de la petite fille a reconnu le bruit. C’est un bruit de moteur d’avion. « Ca y est ! ça y est ! » s’est dit la mère. Elles se sont crues tranquilles l’une dans l’autre, ce jour-là. Il a fait beau. La petite fille s’est sentie éclairée par de douces vagues roses. À la surface de la mère, sur sa peau, dans ses yeux, dans ses cheveux, brillait l’été. C’est la fin de la journée. On entend les moteurs des avions. Ils arrivent de loin." C.C.

 

« En 1974 paraissait un ouvrage d’une densité poétique peu commune. Une jeune femme, Chantal Chawaf, entrait en littérature avec ce premier livre inclassable : une narration, en diptyque, où s’inventait un langage pour dire à la fois la mort et la naissance, l’absence et la plénitude sensorielle. C’était dans Retable (Des femmes), déjà, l’évocation d’une naissance traumatique, celle d’une enfant arrachée au corps d’une mère mourante tandis qu’en contrepoint, dans La Rêverie, se déployait un cantique charnel. Un quart de siècle plus tard, Chantal Chawaf boucle magistralement la boucle avec un grand roman, Le manteau noir, son dix-neuvième ouvrage ».

            Monique Petillon, Le Monde, 8 mai 1998

 

« Le manteau noir est, on l’a compris, le plus beau roman de Chantal Chawaf : un opéra, une symphonie, un thrène, un admirable et surprenant concert ».

                     Didier Jacob, Le Nouvel Observateur, 14 février 1998

 

« Un livre fort et exigeant, impudique et vibrant ».

                  Régine Deforges, L’Humanité, 10 mars 1998

 

Passionnant, prenant, d’une écriture facile et fluide, Le Manteau noir est un livre qu’on ne quitte plus une fois qu’on l’a ouvert. Il offre à un grand nombre de lectrices et lecteurs une porte d’entrée magnifique dans l’œuvre d’une grande écrivaine de notre temps.

 

Chantal Chawaf est écrivaine et éditrice. Depuis Retable, la Rêverie, son premier livre (Des femmes-Antoinette Fouque, 1974), elle a publié de nombreux romans, essais, nouvelles et poèmes, parmi lesquels L'Eclaircie (1990) et Issa (1999) chez Flammarion, L'Ombre (2004) et Sable noir (2005) au Rocher, et, aux Editions Des femmes-Antoinette Fouque : L’Intérieur des heures (1987), La Sanction (2004), Infra-monde (2005), Les Obscures (2008).

20/11/2009

La Ville aux Livres de Creil - Avec Génération MLF, Chantal Chawaf, Benoite Groult et Colette Deblé - Samedi 20 et dimanche 21 novembre 2009

Vendredi 20 et samedi 21 novembre, c'est à l'Espace Culturel La Faïencerie, Allée Nelson 60 100 Creil que vous pourrez rencontrer le collectif Génération MLF, Chantal Chawaf, Benoite Groult, Colette Deblé, toutes auteures des éditions Des femmes-Antoinette Fouque dans un Salon, La Ville aux Livres, ayant décidé de mettre cette année les Femme(s) à l'honneur... Pas trop tôt ! 

generation_mlf_150.jpg

Le programme :

Vendredi 20 novembre, de 18 h à 20 h 30, rendez-vous au Salon du Livre de Creil (Espace cuturel a Faïencerie - Allée Nelson - 60 100 Creil)

SOIRÉE DÉBAT  « Génération MLF 1968-2008 » Avec Antoinette FOUQUE 

à 18h : film de présentation Génération MLF 1968-2008, puis de 19h à 20h30 : débat - (entrée gratuite) sur le livre Génération MLF 1968-2008  (Débat animé par le collectif du livre « Génération MLF 1968-2008 »)

Autour du livre publié par les éditions Des femmes, qui rassemble de nombreux témoignages et documents, fait revivre chacune des quarante années de 1968 à 2008, en rapprochant une chronologie des principaux événements concernant les progrès et obstacles dans les conquêtes des droits des femmes, de l’activité du mouvement de libération des femmes.

Samedi 21 novembre, au Salon du Livre de Creil (Espace Cuturel La Faïencerie - Allée Nelson - 60 100 Creil) tables rondes & débats :

1) de 14 h à 15 h 30 "L'engagement au féminin"

Femmes auteurs, historiennes, juristes, journalistes, artistes..., toujours présentes, en actes et en mots, engagées dans une lutte perpétuelle, celle d’une égalité hommes-femmes, voie unique d’une participation commune à l’humanité.

Avec les invitées du Salon : Laure ADLER, Chantal CHAWAF, Mercedes DEAMBROSIS, Benoite GROULT, Leïla SEBBAR.

 

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2) de 15 h 30 à 17 h "Séverine. Vie et combats d’une frondeuse"

 Séverine, journaliste et écrivaine, est née à Paris en 1855, sous le nom de Caroline Rémy. En 1880, elle rencontre Jules Vallès, député de la Commune, célèbre écrivain, et veut alors devenir journaliste. Elle fonde avec lui, en 1881, le journal le Cri du peuple...

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 A propos du thème : Femme(s)

« Femme(s) »... Pôle d’une humanité dont l’homme est l’autre pôle. Lutte incessante pour l’acceptation de cette simple affirmation, sans laquelle pourtant rien n’est possible, en dehors de laquelle toutes les déchirures, tous les conflits, toutes les injustices ont été et sont encore perpétrés. Pour Elisabeth BADINTER, il faut revenir aux fondamentaux « liberté » et « égalité » si l’on veut vivre en harmonie et non plus les uns contre les autres : « Notre finalité est une meilleure entente entre hommes et femmes. Pour continuer à avancer, il faut admettre que nous avons beaucoup en commun et que l’on peut tout partager ». « Femme(s) »... Dont le combat, loin d’être une guerre, s’attache à faire triompher la force morale. Pour Michelle PERROT : « La construction d’une citoyenne, véritablement démocratique, donc universelle, suppose la participation des femmes. Elle est un enjeu des temps qui viennent. » « Femme(s) »... Génératrices, liens entre les générations et la tradition, fil d’Ariane de la transmission. Mais aussi, femmes poètes, auteurs, artistes, avec l’écoute en partage, le regard sur l’autre comme « un nouvel espoir », mot de Benoîte GROULT. Pour Antoinette FOUQUE, « Procréatrices, mémoire du futur, de mères en filles et de générations en générations, les femmes sont créatrices à leur tour, en nombre et dans tous les domaines. » Leur entrée massive dans l’histoire, par le fait du mouvement des femmes, est « le plus bouleversant des bouleversements. » Et Laure ADLER de dire : « Les livres ne sont pas des objets comme les autres pour les femmes ; depuis l’aube du christianisme jusqu’à aujourd’hui, entre nous et eux, circule un courant chaud, une affinité secrète, une relation étrange et singulière tissée d’interdits, d’appropriations, de réincorporations. »

Laissons-nous alors guider par ces livres et par les débats et tables rondes qui suivront, avec la volonté de les offrir en partage, de les porter en conscience vers un engagement citoyen et solidaire, de les accompagner avec espoir dans la voie d’une nouvelle condition humaine.

Sylviane LEONETTI

Chef de projet de La Ville Aux Livres

Avec Evelyne LE GARREC, auteur, Colette DEBLÉ, artiste peintre, et l’Association « Paroles de Femmes en Picardie » - « L’écrivain comme écrivain public : la voix des femmes par la voix d’une femme écrivain »