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01/03/2007

Claudie Cachard, Les gardiens du silence (2006) dans la Revue EMPAN (mars 2007)

EMPAN, Prendre la mesure de l'humain

Des femmes et des hommes : un enjeu pour le social ? numéro 65, revue trimestrielle mars 2007

Notes de lecture

Les gardiens du silence

Cachard, C. 2006. Paris, Editions Des femmes 208 p.

C'est ce très beau titre qu'a choisi Claudie Cachard pour son second livre qui vient d'être réédité aux Editions Des femmes. Claudie est psychiatre et psychanalyste, et anime depuis maintenant vingt cinq ans le groupe Corps Psychose Psychanalyse.

Comment rencontrer ceux qui se taisent radicalement n? Comment donner une place psychanalytique à ce qui se dit en silence ? Ce sont les questions que posent ce livre.

Mais les Gardiens du silence, c'est d'abord une écriture qui nous prend par la main et nous emmène vers les lieux où la parole est vacante. Nous n'y sommes pas seuls. L'auteur est là, bordant les espaces en même temps qu'elle les approche ou les désigne. Par cette écriture singulière, précise, ne fuyant aucun détour et comme portant le lecteur, ce sont des lieux singuliers que notre lecture arpente et découvre.

C'est ainsi que garder le silence se retourne, et nous entendons alors combien il est possible d'être gardé par le silence. On pourrait dire aussi "veillé par le silence" et rejoindre ainsi le titre que ce livre porte dans sa traduction hongroise : "Les Veilleurs du silence"...

Ce que Claudie soutient est à la frange, au bord de la psychanalyse et aborde "les zones limites où le corps fait psychisme et où le psychisme fait corps" et "le fonctionnement psychique de dernière chance s'acharnant à traiter l'intraitable". Le livre étudie les réponses psychiques que chacun a construites dans les situations extrêmes, et cherche à "reconnaître certaines analogies concernant les réponses fantasmatiques dont disposent les humains face à la souffrance grave et à l'irrémédiable."

La question d'être le seul survivant, la culpabilité qui en résulte, mais aussi la toute-puissance qu'on trouve à se construire soi-même comme une crypte ou un tabernacle protégeant ses morts pas morts.

L'auteur ne refuse pas les questions, mais au contraire les considère chacune et les met à plat, envisage les dénis, les protections, la jouissance liée à la souffrance, "la terreur toute proche de la jouissance" ou la frontière "de l'horreur au sublime".

Le livre a dix-sept ans. Il est étonnamment jeune et frais, adolescent peut-être. Il rejoint à sa manière propre certaines recherches actuelles et thérapeutes ayant longuement fréquentés les psychotiques, et donne son éclairage particulier et original sur ces questions difficiles.

Blandine Ponet

28/02/2007

Pierre Cabanne écrit sur Catherine Lopès-Curval

museedesfemmes03.jpgUne évidence s'impose, chaque toile de Catherine Lopès-Curval contient un drame, ou un fragment de drame; cela suppose un questionnement, des surprises, voire des équivoques. C'est fou ce que le désordre peut s'installer entre les êtres quand on les abandonne à leur sort; comme au théâtre où il arrive un moment où les acteurs échappent à la pièce pour jouer leur propre jeu. La Bibliothèque anglaise s'écroule sur ses lecteurs qui, affolés, essaient de se sauver par tous les moyens; calme et austère, plutôt accueillante jusqu'à l'arrivée du cataclysme, elle cachait sans doute sous ses apparences une promesse inéluctable de tempête. Les apparences comptent en effet beaucoup dans cette peinture d'étrangeté souvent ambiguë où les personnages prennent parfois des poses acrobatiques pour déguiser leur trouble; ainsi le curieux tête-à-tête du pique-nique qui fait penser aux amoureux en apesanteur de Chagall. A moins qu'ils n'adoptent le détachement voisin de l'indifférence de cette femme marchant dans une ville où les voitures vont dans tous les sens comme une invasion de cloportes. Cette autre aux formes accortes, n'hésite pas à souffler en plein visage d'un passant la fumée insolite de son cigare, quant à celle-là elle

Profite des rues vides, semblables aux perspectives italiennes de Chirico, pour prendre sur sa bicyclette une attitude que sa provocation rend déshonnête. Ainsi cette peinture d'accidents, de tensions, voire de bizarreries nous ramène-t-elle à ces situations qui, au théâtre, soulèvent l'énigme par le seul fait qu'elles cessent de tenir le spectateur en haleine. La peinture de Catherine Lopès-Curval. mêle, dans ses mises en scène ordinaires, le réel inexpliqué à l'imaginaire logique, comme la poursuite d'un inachevé de la vie

où les personnage s'interrompant d'agir, se trouvent livrés au vertige de leur difficulté à accomplir. Si vous êtes surpris c'est, que le peintre a atteint son but: déranger .

Pierre Cabanne Février 1999

09/02/2007

Chantal Chawaf, auteure née avec les Editions Des femmes (en 1974)

Texte recopié du catalogue des trente ans des Editions Des femmes :
cc2.jpgDepuis l'âge de six ans, elle avait écrit, opiniâtrement, elle avait écrit sans savoir, elle avait écrit au hasard, en suivant les mots qui l'emmenaient vers l'inconnu, elle avait écrit pour ne plus sentir qu'elle écrivait, elle avait demandé à l'écriture de se substituer au manque et les phrases avaient pris la consistance de la chair, elle avait demandé à l'écriture d'être une mère, elle avait demandé à l'écriture de la remettre au monde, elle, l'enfant que la mère, tuée dans un bombardement, avait été empêchée de mettre au monde, elle avait remplacé la mère par l'écriture. L'écriture lui promettait : "Ecris... et tout reviendra... Tout réexistera. Tu peux compter sur l'écriture pour te sauver." Elle avait eu l'illusion de vivre comme si elle n'était pas moralement, mentalement, morte à la naissance. Elle avait supplié l'écriture : "donne-moi la vie". Car la mère n'avait pas eu le temps de donner la vie à sa fille qui avait dû écrire pour que les tâches d'or blond se mettent peu à peu à miroiter, à prendre feu à la lumière des mots où étincelait la mère qu'elle avait presque pu caresser, respirer dans cette traduction de la peau, des cheveux et du corps, dont l'haleine s'exhalait par les mots de l'écriture biologique.
 
cc1.jpgL'écriture entendait et répondait. Elle n'avait pas écrit dans le vide, pas écrit pour rien. Elle avait des décennies d'écriture insistante, elle avait vu apparaître enfin la vraie vie, l'écrite, la phrase à sa source. Au bout de l'acccumulation, au bout des collections de mots écrits, se recomposait, se révélait la vie qui se cachait. Elle était arrivée au dénouement, à la mise à nu, à mesurer l'acte dérisoire de l'écrivain : arrivée là où il n'y a plus de mots, où cette vie patiemment, désespérément ranimée pendant des années par les mots inventifs, par l'imaginaire revient à n'être plus que ce qu'elle est : un point invisible, impensable. Inimaginable, inaccessible, le point zéro, ce que les mots ne peuvent plus nommer, tellement le sens est loin, tellement il est dans la perte, tellement il est un lieu d'où on n'a plus rien, d'où on ne peut plus rien retirer d'aucun mot, où les mots n'ont plus de sens quand on est parvenu à ce point où, plus on écrit, moins on reçoit de l'écriture la consolation, le simulacre qu'on cherchait, car on se retrouve à des profondeurs où la mère-racine, la langue racine, la langue maternelle, vous enracine si terriblement en elle qu'on n'existe plus que dans l'inexistence de cette vie disparue qui n'est que vide à vif, plus rien d'autre, alors on ose. On ne sépare plus le corps, de l'écriture. Et le mythe se réinvente. Inlassablement, comme il le fait depuis l'aube des Temps, il s'acharne à détruire la destruction.
 
465329193.jpgJ'écris dans l'effort d'aller "sous le roman"... C'est une expérience du dedans, elle ne m'est pas personnelle, c'est simplement celle de la face cachée de la vie, la vie que notre langue parlée ou écrite nous sert à occulter, à effacer. Je cherche quelque chose de très enfoui, qui ne triche pas, qui ne soit pas dans l'apparence, qui ne joue pas avec la perversion. Est-ce quelque chose qui relèverait d'une langue primitive ? Est-ce organique ? Une langue préverbale ? Le lieu de naissance de notre langue, notre chair, notre corps, ces innervations qui nous rendent réceptifs, cette animalité qui fait de nous des récepteurs ? Est-ce là où j'écris ?
 
cc3.jpgPeut-on libérer de l'écriture ce qu'on écrit ?
Je cherche la sensibilité de l'écriture, je cherche à faire entendre en direct la pulsation, la vibration, à les conserver dans les mots. C'est du domaine de l'amour. C'est la fusion. Ecrire éloigne. J'écris pour rapprocher. Pour que les mots ne soient plus des symboles. Pour qu'ils soient la chair elle-même. Et qu'ils lui viennent en aide.
En 1974, je découvrais les Editions des femmes. Découverte réciproque car c'est Antoinette fouque qui m'a publiée pour la première fois. Ce fut un échange profond. J'en ai gardé un souvenir inoubliable. Antoinette Fouque et les Editions Des femmes en publiant mon premier texte Retable et en m'accueillant dans le groupe Psych et po me permettaient d'accéder à l'inaltérable liberté d'écrire et de communiquer pour redonner la chair à la vie, d'agir, à ce stade vierge de l'expression, où la langue maternelle et le corps ne font encore qu'un et où, dans l'innocence, les mots, ce langage enraciné dans le féminin, ont la puissance de transformer la conscience et le savoir.
C.C.

08/02/2007

Texte de Nicole Casanova figurant dans le catalogue des trente ans des Editions Des femmes

lou-salome-3_1244405292.jpgCe devait être au tout début des années soixante-dix, puisque les Editions Des femmes n'étaient pas encore créées. Je me souviens d'une première visite dans une vaste pièce fleurie. Dans ce jardin, on voulait faire ma connaissance parce que, me dit-on, j'étais "une femme en mouvement". (...)
C'est seulement en 1985 que je pus, à ma grande joie, travailler pour ces éditrices. (...) On me confia deux livres de Lou Andreas-Salomé, Fenitchka et Rodinka. Fénia, l'étudiante, renonce à l'homme qu'elle aime au nom d'une liberté supérieure à tout. Rodinka est le nom d'un domaine dans la campagne russe, Lou Andreas-Salomé y fait revivre ses souvenirs d'enfance, et le jeune Vitaly prépare la Révolution... (...) Dans La Maison, toujours de Lou Andreas-Salomé, la mère et la fille, Anneliese et Gitta, apprennent à penser indépendamment de l'homme qu'elles aiment. Elles tirent leur force des arbres, de la neige, des fleurs et des fruits. La liberté qu'elles conquièrent vaut pour tout le monde, aussi pour le jeune Balduin, le poète, portrait de Rainer Maria Rilke, à qui l'opposition du père risque de faire "manquer le train des artistes". (...)
La sombre et dramatique Mileva, l'épouse d'Einstein, géniale mathématicienne qu'il écrasa avec cynisme, aurait pu figurer parmi cette poignée de femmes prix Nobel que je présentai un peu plus tard, en collaboration avec Charlotte Kerner. Prix de la Paix ou de Littérature, mais aussi prix de Physique, Chimie, Biologie.... On dit parfois qu'un homme est "parti de rien". La plupart de ces femmes partaient de moins que rien. (...) Comme si, avant de courir un cent mètres aux Jeux Olymoiques, les femmes étaient obligées d'effectuer d'abord un marathon pour être admises au départ. Et il valait mieux ne pas être essouflées...
Rue de Mézières, l'accueil d'Antoinette Fouque et de ses collaboratrices était rassurant : on ne me demandait plus de me battre, d'autres l'avaient sans doute fait pour moi, mais comme c'était reposant, naturel, surtout, logique et naturel...
N.C.

07/02/2007

Les fleurs des Editions des femmes (par Catherine Weinzaepflen)

Texte recopié du catalogue des trente ans des Editions Des femmes :
124859423_30e191b53f.jpgCatherine Weinzaepflen
Devant ma fenêtre, les petits cyclamens blancs (jardinière longitudinale) ont été comme revigorés par la neige tombée la nuit dernière. Ciel bleu sur Paris. Le blanc, très blanc, des pétales oblongs s'allie au vert sombre, très sombre, des feuilles. Fragilité et force tout à la fois. Il a dû y avoir des cyclamens en hiver dans la Librairie de la rue des Saints-Pères. Il y avait toujours des fleurs dans cette librairie verte. Façade verte, étagères vertes, fauteuils de rotin verts. Un jardin. Ce lieu en aboutissement d'un travail intense : certaines femmes écrivaient, d'autres fabriquaient les livres, d'autres lisaient. Et toutes faisaient tout. La Librairie Des femmes, un lieu de silence et de rencontre. Avec fleurs. Un lieu protégé pour nous qui avions ensemble le désir de nous sauver.
Je ne mesurais pas alors à quel point mes livres étaient à l'abri de la violence du monde. A l'abri des diktats commerciaux. Cette différence... oui, cela surtout : le droit à la différence. La librairie était un lieu de désir. De vie. Il en reste les livres (on peut toujours les commander, et cela encore est différent : pas de pilon - autodafé communément pratiqué.)
Le travail des Editions Des femmes perdure à travers les livres. Pour ce qui me concerne, ceux que j'ai eu la chance d'inscrire dans ce lieu constituent les fondations de ceux qui ont suivi.
C.W.
 

02/02/2007

Antoinette Fouque écrit sur la peintre Catherine Lopes-Curval... (en 2002)

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Texte (extrait) recopié du catalogue des trente ans des Editions des femmes :
 
Catherine Lopes-Curval est née dans la seconde moitié du XXème siècle. La Mise aux Carreaux I, c'est une course aux trésors des signifiants ; c'est une balade dans la mémoire planétaire de l'artiste, et, même geste, cent arrêts sur images aux écrans de nos rêves. Explosion fixe de la beauté.
Autant de richesses ne vont pas, c'est logique, sans produire quelques hasards objectifs, rencontres improbables mais absolument nécessaires. Par hasard, à Beaubourg, la séquence chromatique d'Aurélie Nemours a été accrochée à la suite de plusieurs Hommages au carré d'Albers. Par hasard, au festival de Cannes, le 26 mai 2002, Julie Lopes-Curval, la fille au regard bleu-vert de Catherine, a reçu la Caméra d'or pour son premier long-métrage Bord de mer.
On s'y retrouve. De rencontre en maison, d'hospitalité en passion, d'oeuvre vivante en génération, non sans passeur, de mère en fille, de femme en femme, à l'infini...
à l'occasion d'une donation de la Fondation SCALER au Centre Pompidou, Antoinette Fouque a proposé de retenir les oeuvres de trois femmes artistes : Aurélie Nemours, Geneviève Asse et Catherine Lopes-Curval.
Antoinette Fouque, Boulouris, le 30 mai 2002

26/01/2007

"Ainsi soit-elle", premier livre audio de la chère Benoite Groult

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Benoite Groult
Ainsi soit-elle
lu par l'auteur

1 Cassette - 16,50 €
1 CD - 18 €

Née en 1920, à Paris, Benoîte Groult commence à écrire avec sa sœur Flora Journal à quatre mains qui sort en 1963. Elles feront ainsi quatre œuvres ensemble jusqu'en 1985.
En 1972, Benoîte Groult publie un roman, La part des choses, et l'essai Ainsi soit-elle, qui rencontrèrent un très large public.
Dans Ainsi soit-elle, Benoîte Groult analyse “ l'infini servage ” de la femme et lance la première protestation publique contre la pratique de l'excision.
Livre simple et direct pour que tous comprennent.
Livre lucide et courageux où l'humour est aussi une arme de combat, qui se veut toujours positif.
“ Il faut que les femmes crient aujourd'hui. Et que les autres femmes – et les hommes – aient envie d'entendre ce cri. Qui n'est pas un cri de haine, à peine un cri de colère, mais un cri de vie. ”

25/01/2007

L'Oeil de la poupée de Irina Ionesco, aux éditions Des femmes

UN GRAND MERCI à Dominique-Emmanuel Blanchard, qui m'accorde le droit de reproduire ici la photo personnelle qu'il a faite de Irina Ionesco.
irina-ionesco-3nb.jpgTexte de Irina Ionesco écrit pour le catalogue des trente ans des Editions Des femmes :
Au commencement était la femme, ce précepte personnel a forgé mon destin. De l'homme j'ai eu peu de connaissance tout au long de mon étrange enfance. Ce sont les femmes qui m'ont bercée, ce sont elles qui m'ont nourrie, soignée. La première que j'ai connue, la plus prodigieuse de toutes les femmes, Virginie Elisabeth, ma grand-mère, ainsi que le rêve de Margot, ma mère, seront pour toujours la source de toute inspiration et ma vie consacrée au regard a choisi naturellement comme idéalité la femme. Les années passant, la femme seule a été le choix et le sujet de mon travail de photographe.
 
Dans les années 70, l'existence soudaine des Editions Des femmes avec en tête Antoinette Fouque m'avait subjuguée. A l'époque je lisais avec ardeur Le Torchon Brûle, un journal révolutionnaire qu'Antoinette animait. Et c'est en toute certitude que le texte qui par moi fut écrit se trouvait destiné à être envoyé aux Editions Des femmes. J'ignorais que j'allais faire partie d'un mouvement de recommencement et que mon livre allait bénéficier de la réouverture officielle des éditions qui avaient cessé de publier quelques années durant. Je suis heureuse d'avoir rejoint ainsi le sens d'un rêve et je remercie Antoinette d'avoir aimé mon bouquin.
I.I.

L'Oeil de la poupée de Irina Ionesco - Auteur : Irina Ionesco  

  • Editeur : Des Femmes
  • Parution : 18/03/2004
  • Nombre de pages : 204
  • Dimensions : 21.00 x 13.50 x 1.60

Résumé :

La voix monocorde de Manie scandait le temps. Isa éprouvait une réelle incrédulité à écouter cette transe d'aveux funestes que sa grand-mère exprimait enfin. Les mots s'égrainaient. Ses paroles, nimbées d'un son lugubre, ne frappaient pas encore l'entendement d'Isa. Cependant elle commençait à découvrir le sens d'un drame, assurément antique, dont elle aurait été le sujet et la cause. Ce qu'elle venait d'entendre à propos de leur vie à eux - cette trilogie maudite, le temps d'un blasphème dont elle aurait été le fruit - déchirait l'épaisseur d'un voile noir composé de mille strates. Une lumière terrible éclairait son interminable questionnement. I.I.

A propos de l'auteur :

Irina Ionesco est née à Paris en 1935. Photographe inspirée et célèbre, elle poursuit depuis plus de trente ans une oeuvre singulière et baroque dans laquelle les femmes se trouvent au centre d'un incroyable théâtre issu des réalités. L'oeil de la poupée est le premier volet de son autobiographie.

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Ravissante et désarticulée

Irina  Ionesco   Marie  Desjardins   L'Oeil de la poupée
Editions des Femmes / Antoinette Fouque
 2004 /  2.29 € -  15 ffr. / 204 pages
ISBN : 2-7210-0485-9
FORMAT : 14x21 cm

Avec le premier volet de son autobiographie, la photographe Irina Ionesco nous livre un ouvrage minutieusement ciselé. De sorte qu'il est naturel qu'au travers des pages devenues translucides à force d'innocence, l'oeil du lecteur se prenne progressivement à scruter l'échafaudage de perles et de papiers dorés, de regards fugitifs et d'impressions passagères, qu'une petite fille devenue grande reconstruit nostalgiquement.

Nonchalante et volontaire, la figure l'Irina se dissout dans un nuage d'étoiles. Elle est désormais Isa, une enfant capable de se mettre en scène. Ce changement de prénom reflète avec justesse le dilemme du réel et du fictif qui tourmente Irina : aujourd'hui encore, l'auteure pour se raconter, s'invente, de la même manière que son personnage, dès ses premières années, n'est parvenu à vivre que grâce à l'image. C'est en effet l'histoire d'une danseuse qui deviendra photographe, d'une égérie artiste, d'une amoureuse de la beauté. Placée sous le signe du spectacle depuis sa naissance, Isa doit paraître pour être, sans pour autant que cela soit synonyme de superficialité. Rien de plus profond que le culte du style auquel elle s'adonne, et les silhouettes fantomatiques de son père violoniste et de sa mère trapéziste, croisées de temps à autre, auront sans doute contribué (malgré le caractère très intermittent de leur présence dans la vie de leur fille) à développer chez elle une soif de perfection et l'espoir d'un absolu esthétique jamais atteint.

La perception du réel se révèle donc fondamentalement différente de la grille d'analyse ordinaire d'un lecteur adulte et "normal", c'est-à-dire inséré dans un monde utilitariste et consumériste. En ce sens il est nécessaire, pour entrer dans l'univers magique d'Isa, de se laisser envoûter, sans être désarçonné par l'apparente désarticulation du récit. Les phrases sont courtes, et, comme les mosaïques anciennes, juxtaposées sans un ciment unificateur : c'est à l'observateur de retrouver en lui des échos du passé pour obtenir une vue d'ensemble. Mais c'est à ce prix que chacune de ces énonciations peut être considérée comme une saisie immédiate d'instants réels, absolument pure, sans artifice.

Pas plus que dans son écriture, le compromis ne semble dans la nature d'Isa; aussi, elle n'admet pas la trahison, et qu'elle entre dans une relation, elle s'y donne sans retenue aucune, se livre en victime offerte : des années durant elle a déposé devant sa poupée, sans oser la toucher, ce qu'elle trouvait de plus précieux, guettant de muets commentaires dans l'oeil brillant de celle-ci. Mais quand elle a dû la quitter, la prenant pour la deuxième fois de sa vie dans ses bras, elle l'a immolée par le feu... De même lorsqu'elle décide d'adopter une pose esthétique ou de choisir un homme, elle le fait sans à-peu-près, et les oublie de la même manière. Isa ne se sauve de l'égoïsme que grâce à l'esthétique : son absence aux autres n'a d'égale que sa douleur de ne pas arriver au but qu'elle s'est fixé, et l'indifférence n'est pas chez elle une faute, mais la condition sine qua non de sa recherche tâtonnante.

Dans sa quête d'absolu, Isa ne peut trouver de compagnons de route, et cette jeune fille grandie sans parents, indépendante parce qu'abandonnée de fait, au seuil de sa vie d'adulte, n'a trouvé de véritable compréhension que dans le regard de verre de sa poupée. Isa se laisse porter par la vie, se contentant de donner de temps à autre une ferme impulsion, au hasard de ses désirs. Son caractère exceptionnel vient de son refus de s'incliner face à la nécessité de choisir rationnellement, et de grandir. Et Irina Ionesco a su nous ouvrir une fenêtre sur cette dérive, qu'on quitte avec l'impression douloureuse de retrouver la banalité du réel. Mais n'est-ce pas à chacun d'entre nous de reconstruire son propre rêve?

Aurore Lesage
( Mis en ligne le 11/08/2004 )

19/01/2007

La correspondance de Madame du Deffand et Voltaire (un travail de Isabelle et Jean-Louis Vissière)

vissiere.jpgQuand nous avons publié, aux Editions Des femmes, des lettres de Madame du Deffand ou des articles de Madame de Girardin, il s'agissait de personnalités connues et appréciées - même si leurs oeuvres ne figuraient dans aucun catalogue de librairie. Le cas de Madame de Charrière est tout à fait différent. (...)
 
Nous avons été éblouis par la qualité des textes : il y avait là un témoignage d'une richesse exceptionnelle sur la Révolution française. Comme la commémoration de 1789 approchait, nous avons pensé qu'il fallait commencer par là. Avec le soutien des associations néerlandaise et suisse, nous avons publié, sous le titre Isabelle de Charrière, une aristocrate révolutionnaire, un volume qui a été salué par la critique. Dans Le Nouvel Observateur, Mona Ozouf lui consacrait une page, illustrée d'un portrait de l'écrivaine.
 
Lors du grand colloque de Toulouse sur les femmes et la Révolution, Isabelle de Charrière a fait l'objet de diverses communications, mais surtout sa pièce L'Emigré a été mise en scène sous forme de lecture à plusieurs voix.
(...) Depuis 1989, Isabelle de Charrière a conquis le statut d'écrivain à part entière et même d'écrivain classique. Ses romans, sa correspondance avec Constant d'Hermenches et Benjamin Constant ont été réédités, si bien qu'elle intéresse maintenant les universités françaises et américaines. Il existe plusieurs thèses sur elle. Nous saisissons volontiers l'occasion de rappeler que les Editions Des femmes ont été, ici, à l'origine d'une véritable résurrection.
 
I. et J.-L. V.
 
 
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Madame du Deffand et Voltaire

Voici, pour la première fois réunies, les lettres qu'échangèrent de 1759 à 1778, la marquise du Deffand et Voltaire, ces amis de longue date, ces deux grandes figures du scepticisme et de la liberté d'esprit. Voltaire s'y montre un vieillard faussement modeste, " mort et enterré entre les Alpes et le Mont Jura ". et la Marquise de conclure en faveur de " l'immortalité de l'âme ", en voyant ce mort si vivant !... Un échange épistolaire éblouissant, plein de saveur, d'élégance, de facétie, de vie.

Cher Voltaire
Edition de Isabelle et Jean-Louis Vissière
575 p. - 22 € - 1987 Réédition 2007
" Je ne vous ai envoyé Madame, aucune de ces bagatelles dont vous daignez vous amuser un moment. J'ai rompu avec le genre humain pendant plus de six semaines ; je me suis enterré dans mon imagination ; ensuite sont venus les ouvrages de campagne, et puis la fièvre. Moyennant tout ce beau régime vous n'avez rien eu ; et probablement n'aurez rien de quelque temps. Il faudra seulement me faire écrire, madame veut s'amuser, elle se porte bien, elle est en train, elle est de bonne humeur, elle ordonne qu'on lui envoie quelques rogations ; et alors on fera partir quelque paquet scientifique ou comique, ou philosophique, ou historique, ou poétique, selon l'espèce d'amusement que voudra madame, à condition qu'elle le jettera au feu dès qu'elle se le sera fait lire. "
Voltaire
" ... Savez-vous ce qui vous arrivera si vous ne m'écrivez pas ? Je vous tiendrai pour mort et je ferai dire des messes pour le repos de votre âme dans tous les couvents de jésuites ; je vous ferai louer, célébrer, canoniser... Vous êtes le plus ingrat et le plus indigne des hommes si vous ne répondez point à l'amitié que j'ai pour vous, et si vous ne vous faites pas une obligation et un plaisir d'avoir soin de mon amusement. "
Marquise du Deffand

11/01/2007

Texte d'Anne-Marie Planeix dans le catalogue des trente ans des Editions Des femmes

La vigilance de ma mère m'accompagne et m'étonne depuis toujours. Je me dis, dans les mots d'aujourd'hui, qu'il en va d'une véritable préoccupation "paritaire". Pour elle, le monde humain est constitué d'hommes et de femmes et, là où les femmes manquent, sont rendues invisibles ou niées, que ce soit par violence manifeste ou... (pseudo) courtoise, il y a amputation et trahison. Nous, ses filles, savions que nous existions "à part égale", de fait et de droit, et qu'il fallait par une sorte de devoir l'affirmer. Mais sa vigilance n'était pas et n'est toujours pas seulement défensive, elle est reconnaissance quasi-immédiate de l'événement "précieux" pour une femme. Cet événement a été la création par Antoinette Fouque du MLF et celle de la maison d'Editions Des femmes.
A l'époque, fidèle aux "idéaux" de 68 que j'essayais d'appliquer dans mon travail par exemple (j'enseignais la philosophie), et bien convaincue de la nécessité d'un "mouvement de libération", je n'arrivais pas cependant à sortir d'une sorte de bonne volonté abstraite. Je ne savais pas où m'adresser... Et c'est ma mère la première qui, avec une joie irrésistible, m'a fait lire, et offert des textes publiés par ces éditions, et qui m'a parlé d'Antoinette Fouque. Si bien que lorsqu'en 1975 à l'occasion d'un forum des livres organisé à Grenoble, j'ai rencontré des femmes du MLF travaillant à la maison d'Edition Des femmes ce fut comme un rendez-vous déjà préparé, attendu et espéré. Cette "arrivée" au mouvement se trouve ainsi pour moi indéfectiblement liée à ma mère et à son enthousiasme.
 
A.M.P.