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15/02/2009

Le célibat ne passera pas etc a critiqué Liane Foly (blog 15.02.09)

DF059.jpg15-02-2009
Dialogue de bêtes de Colette - lu par Liane Foly

Dialogue de bêtes, c'est toute mon enfance... comment oublier Toby chien et Kiki la doucette, leurs chamailleries et leur complicité ?

Ce livre, je l'ai lu et relu... mais jamais je ne l'avais entendu. C'est la raison pour laquelle la version lue par Liane Foly m'apparaissait comme... intrigante. Allais-je aimer ces voix « imposées » ? N'allais-je pas regretter de ne pas me faire mes propres voix dans ma petite cervelle ? Mon imagination allait-elle moins travailler ?

Passé le premier étonnement, j'avoue que je me suis prise au jeu d'écouter Liane Foly imiter, et elle imite bien, on le sait, les personnages de cette histoire.

Je conseillerais cependant de s'installer dans un canapé et de fermer les yeux, pour mieux savourer l'histoire, passque moi, je l'ai écouté en vaquant à d'autres occupations, et je trouve que ces occupations, justement, m'ont distraite de mon but : écouter Liane.

Et puis, par rapport à mon enfance et à cette idée d'écouter... il manque un petit détail : la sonnerie qui signale qu'on peut tourner la page... il manque donc, je trouve... un livre... ce qui me confirme que décidément, je suis plus faite pour les vrais livres, faits de papier, que l'on lit à sa guise, qui permettent d'inventer les personnages, leur physique, leurs attitudes et leurs voix.

Ce cd me semble toutefois un chouette moyen de faire découvrir Colette aux enfants.

15-02-2009, 12:36:51 Anaïs
Anaïs et sa collection de magazines et livres

http://le-celibat-ne-passera-pas-par-moi.skynetblogs.be/post/6720573/dialogue-de-betes-de-colette--lu-par-liane-fo

12/02/2009

Le Figaro remarque "Tableau d'honneur" ! (gageons qu'un article suivra...)

Le Figaro littéraire du 12 février 2009

CA ET LA

UNE JEUNE ROMANCIERE DE 95 ANS

Record sans doute battu. Guillemette Andreu, 95 ans, publie "Tableau d'honneur" (éditions Des femmes, un premier roman aux accents autobiographiques sur une orpheline de la guerre de 14-18, à Nantes.

Jean Rouaud en a signé la préface.

Marina Vlady et Tchekhov appréciés des blogueurs ! (blog 12.02.09)

vv.jpgJeudi 12 février 2009
Le violon de Rothschild, suivi de La Princesse, Anton Tchekhov
J’ai fait plusieurs découvertes avec cette œuvre de Tchekhov. Tout d’abord, et ce n’est pas rien, je n’ai pas lu ces deux nouvelles mais les ai écoutées. Puis, après Tchekhov auteur de théâtre, j’ai pu apprécier ses talents de nouvelliste. Voici donc les deux nouvelles qui composaient ce livre-CD.

Le violon de Rothschild : Iakhov est fabricant de cercueil, et joueur de violon à ses heures perdues. Malheureusement, il y a peu de décès dans la campagne où il habite, et ne sa vie ne se résume qu’à des pertes : pertes liées au jours non travaillés, aux habitants qui décident de mourir dans la ville voisine,… Quand Marfa, sa femme, tombe malade puis décède, Iakhov se demande bien à quoi a bien pu le mener cette vie, faite de reporches, d'animosité. Il a même oublié sa fille, morte enfant. C’est le début d’une remise en question de son comportement, ses habitudes,…

La Princesse : Véra Gavrilovna est une princesse russe. Elle profite de ses étés pour se reposer dans un couvent, où elle est entourée par une troupe de serviteurs, bonnes, laquais,… Elle se sent bien dans cet endroit. Lors d’une promenade dans le jardin, elle rencontre un médecin qu’elle a connu auparavant. La conversation s’engage, mais elle prend rapidement un tour auquel la Princesse ne s’attendait pas. Le médecin, dans un long réquisitoire, lui reproche son égoïsme, son mépris et sa bonne conscience.

Je ne suis plus habitué à écouter des romans. Cela me plonge dans cette période où j’écoutais Marlène Jobert raconter les contes de Perrault ou de Grimm sur des cassettes audio (et ça remonte). C’est une impression tout autre que la lecture : j’ai un esprit qui a tendance à divaguer, à voyager, et à raccrocher par la suite l’histoire. Ce phénomène est accentué par l’écoute, puisqu'il n'y a pas la matérialité du livre. Mais c’est une expérience intéressante, puisqu’elle m’a permis d’entendre une œuvre de Tchekhov et de faire des choses plus prosaïques et nettement moins passionnantes dans le même temps.

En ce qui concerne l’œuvre, j’ai retrouvé dans ces nouvelles les traits déjà repérés dans les pièces de Tchekhov que je connais. Dans le violon, on plonge dans la campagne russe, dans cette société de petits commerçants qui ont du mal à joindre les deux bouts. Dans cette courte nouvelle, Tchekhov donne à ressentir le poids de l’antisémitisme dans la Russie de la seconde partie du XIXeme Siècle, les situations conjugales pas toujours tendres, le conformisme social. J’ai beaucoup apprécié la réflexion menée autour des termes de profit et de perte, qui est le fil conducteur de la nouvelle.

Dans La Princesse, Tchekhov utilise le thème de la confrontation sociale, entre une femme richissime et des employés pauvres. Surtout, il s’attaque à l’image des dames patronnesses, femmes riches qui décident de monter une fondation ou de mener des opérations de charité envers les pauvres, ce qui leur permet notamment d'avoir bonne conscience et de se ménager une place de choix dans l'au-delà. La confrontation avec le médecin est intense, et permet à celui-ci d’exposer tous les griefs qu’il a ruminés. Malheureusement, tout cela ne sera que de peu d’effets sur Vera Gravilovna, qui reste enfermée dans sa tour de luxe et d'incompréhension. Contrairement à Iakov, qui, dans l’autre nouvelle, saura tirer un enseignement de ses mésaventures. Trop tard, mais il y parvient.

Ces deux nouvelles sont lues de fort belle manière par Marina Vlady, que j’ai vu récemment dans le très bon et libertin film de Bertrand Tavernier, Que la fête commence (avec un magnifique trio d’acteurs, Noiret – Rochefort – Marielle). Elle réussit à prendre des intonations différentes dans les deux nouvelles, faisant notamment ressentir le luxe et l’aisance lorsqu’elle parle de la Princesse.

Je remercie Babelio qui m’a permis de me plonger dans un livre-CD grace à l’opération Masse Critique, et je ne dis pas que je ne renouvellerai pas l‘expérience d'écouter une œuvre (surtout que l’éditeur Des femmes publie des lectures faites par Isabelle Huppert !!!).

Pièces de Tchekhov : La Cerisaie, Ivanov

http://livres-et-cin.over-blog.com/article-27829721.html

10/02/2009

Louise Nevelson, "le plus grand sculpteur américain" dans la Galerie des Femmes

Louise Nevelson est une géante : tant par l'ampleur et la puissance de son oeuvre que par la force de sa personnalité et la manière dont elle a décidé de sa vie. Sa réputation est immense, dans le monde entier et aux Etats-Unis où, reconnue comme le plus grand sculpteur américain, elle reçut The Gold Medal for Sculpture.
 
1972, Park Avenue, New-York Acier corten, 6,71 m Night Presence IV
Texte de Louise Nevelson dans le catalogue des trente ans des éditions Des femmes :
nevelson018.jpgJe suis très heureuse de voir Aubes et Crépuscules traduit et publié par une maison d'édition aussi remarquable que celle des femmes.
C'est après une journée de travail que Diana et moi nous sommes assises et avons commencé, tout naturellement, à mettre en mots ce que nous faisions et pensions. Avant même de nous en rendre compte, nous avions déjà la matière d'un livre.
Je n'aurais jamais imaginé qu'il serait publié immédiatement et pourtant il le fut, en 1976.
L'histoire de l'Amérique et de la France est une histoire de l'esprit, une tradition de liberté, l'épanouissement d'une grande idée mise en acte.
Elle est là, avec l'ampleur de la vie, comme sa statue de la liberté.
Merci. Je vous donne la main par-dessus l'océan, en amitié, en accord.
L.N.
 
Louise Nevelson - 1979-80, Frozen Laces-One. acier peint en noir. Central Park N.Y.C.
 
Louise Nevelson
Aubes et crépuscules
Louise Nevelson à Rockland, Maine - 1919
 

06/02/2009

Hélène Cixous, une longue histoire avec les Editions Des femmes

Texte recopié du catalogue des trente ans des Editions Des femmes :

hc2.jpgArriver... Déjà 1975, et je n'avais jamais entendu sa voix ni parler d'elle, j'étais dans mon chemin de littératures, d'une part professeur à Paris VIII depuis 1968, libre mais enfermée dans la répétition d'une vision universitaire clôturante de la littérature, toujours encore cloisonnée, excluante, nationaliste même, rangée en casiers "littérature française" "littérature anglaise", etc. et tous ces quartiers du grand corps sectionné, toute cette boucherie louche bâillonnée, surgelée, sans sexe, et moi ramassant les morceaux épars, m'efforçant de remembrer, de rendre au Texte sa mémoire mondiale, sa langue de langues, et sa jouissance, d'autre part, écrivant, ayant avancé dans un territoire hors frontières sous le regard "de jouissance et d'effroi" de Jacques Derrida, bien/veillée par lui seul, libre, publiée par les Grandes Maisons éditoriales, mais seule en vérité, et même paradoxalement encore plus seule d'être à la fois admise et remisée, je cherchais. Je cherchais où me trouver, entière, non pas perdue comme seule de mon espèce, celle de l'être femme en plus d'écrire au plus intime du dehors. En 1974 j'avais déjà fait un pas, un bond presque, dans l'Université, en créant à la hâte le doctorat d'Etudes Féminines. Enfin nous chercheurs en textes nous pourrions poétiser, analyser les traces des différences sexuelles dans les textes sans être mis au piquet. Je parcourais la terre en quête d'écritures prochaines, on peut le dire. Il y en avait si terriblement peu.
 
hc9.jpgDéjà 1975. C'est alors qu'elle m'appelle au téléphone. Antoinette Fouque. Cela va très très vite. Je n'avais jamais entendu parler si audacieux, rappeler tous les mots bannis si impérativement, tisser si naturellement la science analytique avec la lecture. Dans l'heure nous parlâmes mythes, figures de femmes de toute éternité, théâtres des persécutions et des survies d'aujourd'hui tout comme hier. J'étais stupéfaite. Je n'avais jamais imaginé qu'une telle personnalité existât : une femme de pensée et totalement engagée dans l'action, faisant passer la pensée instantanément sur un front, une force de démascarade inouïe. Elle me demande un texte pour les Editions Des femmes à l'instant je dis oui. Il ne faut pas croire que j'étais décillée. J'étais émerveillée. Je donne Souffles. J'étais alors au Seuil. J'avais été chez Grasset. Aux Lettres Nouvelles. Il m'a semblé vivre un conte de Chrétien de Troyes. On ne sait rien, on part en quête, on pose les bonnes questions dans les lieux mauvais, là où on pourrait obtenir réponse, on oublie d'interroger, on va on va on n'arrive pas. Tout d'un coup, d'une minute à l'autre on y est. Le lieu existe en réalité, il a un visage, une vie. Et ce lieu n'est pas confiné. Il touche à l'Univers. Tout de suite après la Maison ouvre sur les places et les rues, sur les pays étrangers, sur le propre pays étranger. L'expression des passions est portée par plusieurs voies en même temps, la voix basse et infinie qui coule dans les livres, les voix hautes et entetées qui reprennent la parole publique à ses ravisseurs. J'ai dit que je n'étais pas décillée. Prendre la mesure du projet de Révolution qui était Antoinette, une intention de changer le monde sans compromis, sans limites, je ne l'ai pas fait alors. Je ne vis pas qu'une toute autre Histoire avait commencé. Et je donnai un autre livre aux éditions Gallimard. Il ne m'était certes pas venu à l'esprit qu'on pouvait appartenir à un mouvement ! Je n'avais même, je crois, jamais analysé ce qu'était un lieu, à quel point le lieu imprime, ajoute, fait oeuvre dans l'oeuvre, et qu'un livre, sans, la plupart du temps, que l'auteur en soit conscient(e) doit quelque chose de son mouvement, de son rythme, de ses possibilités secrètes, au port, à la maison, à l'horizon vu de la fenêtre de la maison. Une "maison" d'édition agit dans un texte beaucoup plus qu'on n'aime à le penser en général car, sauf exception, c'est du côté de la restriction ou de la douleur que cette action se manifeste. Quelques phrases émues d'Antoinette et soudain je pris conscience.
 
hc5.jpgC'est alors que je décidai ce qui était déjà décidé.
 
Les Editions Des femmes. Elles étaient présentes, fortement incarnées, les femmes Des femmes. Plus tard on pourra les comparer avec ces figures qui donnent à la Révolution française en particulier le charme rare d'une distribution idéale : grands personnages de femmes rayonnant parmi les héros classiques. A cette époque-là elles avaient pour nom leurs prénoms, subterfuge daté, clin d'oeil lacanien anti-lacanien au thème du Nom-du-Père. Ces prénoms sont devenus très vite des sur/noms : Marie-Claude, Sylvina, Jacqueline, Florence, Michèle, Jo, Sylviane, Brigitte, Yvette, Claude, Marie, Thérèse, Michelle, et bien d'autres encore. J'imagine un dictionnaire qui les rassemblerait. Au commencement Antoinette. A côté d'Antoinette il y avait Marie-Claude. On ne peut imaginer plus dissemblables en tout sauf l'essentiel : une loyauté absolue, une adhésion au thème vital Des femmes, thème du singulier et thème du pluriel. Les différences dans les semblables. Les passions singulières, issues d'histoires si diverses, mais portées par un même souffle dans une direction sans écart.
 
A côté d'Antoinette il y a toujours Marie-Claude. Que son existence ait été interrompue brutalement n'interrompt pas sa présence. Avoir agi, créé, tenu, donné, lutté, continué, rend ineffaçable.
 
hc7.jpgLa continuité, l'endurance, le recommencement, le courage, une inflexibilité, à ces vertus partagées par chacune de ces amies de vie s'ajoutent des traits qui relèvent du savoir-vivre raffiné, du plaisir pris au plaisir reçu et donné : le goût du beau, l'élégance, l'idée qu'une maison sans fleurs serait inhabitée, que tous les sens font partie de l'intelligence, et que l'hospitalité vraie n'offre pas seulement l'abri, le toit, la sécurité nécessaire, mais des choses de beauté, une nourriture pour les yeux, tout le non-indispensable qui est encore plus subtilement nécessaire que le strict nécessaire.
 
Dire que j'ai publié trente livres aux Editions Des femmes c'est dire que j'ai été accueillie d'avance et, avant même de demander, reçue trente fois, toute une vie. Cela dépasse évidemment la publication, l'histoire éditoriale, pour devenir une histoire de création, de grâce dont tous les ressorts et les mystères conjugués restent encore à raconter.
H.C.

03/02/2009

Rencontre Christine Clerc, Pierre Bergé et Philippe Besson sur "AMITIES D'HOMMES" (mardi 10 février, 18 h 30)

Soirée exceptionnelle mardi 10 février, à 18 h 30

Espace Des femmes-Antoinette Fouque
35 rue Jacob, Paris 6ème

christine clerc.jpg

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02/02/2009

Régine Deforges évoque "Le manteau noir" dans L'Humanité (article du 10 mars 1998)

chawaf2.jpgCultures - Article paru le 10 mars 1998

Pêle-mêle

Le manteau noir de Chantal Chawaf

La chronique de Régine Deforges

Chantal Chawaf a enfin écrit le livre qu’elle portait en elle depuis ce jour de 1943 où elle est née, arrachée au ventre maternel. Depuis, elle, l’enfant, est la recherche de cette mère. Quête éperdue de toute une vie, cinquante ans à poursuivre un fant"me blond tué sous les bombardements de Boulogne. Le blond et insaisissable fant"me qui erre de page en page, de livre en livre. Et tout ce sang ! Le sang domine l’éuvre et la vie de Chantal Chawaf : "Sous les bombes… ils se rendaient à la clinique… où la mère de la petite devait accoucher… la voiture a été touchée… On a pu avoir l’enfant par césarienne… La mère est morte…" Les mots se bousculent, s’emmêlent, deviennent sang que la terre absorbe… lentement…. boue rougeâtre… et dans laquelle l’orpheline patauge, s’englue, étouffe. "Comment était-elle ? Je ne la connaîtrai jamais." Les bombes explosent, résonnent sans fin dans le crâne du bébé protégé par la matrice. Après la naissance, les yeux grands ouverts dans le noir, elle écoute, elle entend les battements du céur de la morte. "Comment était-elle ?" Je ne veux pas qu’on m’emporte… Les parois du ventre maternel me protègent, elles sont un rempart contre la bêtise des hommes, contre le feu qui tombe du ciel. Là je n’ai pas peur, je suis dans le doux, dans le chaud, dans le mouillé. Je flotte dans l’amour de ma mère. Pourquoi me retire-t-on du nid ? Le sang coule sur mon visage emplit mes yeux et ma bouche, je le bois. Je ne veux pas le boire. Les lèvres du nouveau-né tètent avec horreur et volupté. Oh le sang de ma mère ! "Mais l’enfant s’entête. Elle ne veut pas naître. Elle veut celle qui est restée dans le chaos. Elle ne veut personne d’autre. Elle veut retourner dans sa mère, dans le chaos…". .

 

La petite fille grandit, adoptée, illégalement par un couple en mal d’enfants. L’amour de la mère adoptive étouffe l’enfant. "On l’aime sa mère, pas vrai bout d’chou ?" Elle la mange de baisers, l’habille d’organdi, la nourrit d’aliments gras malgré les restrictions ; elle est si maigrichonne, ma bonne dame ! "Si tu manges pas ta soupe, j’appelle le loup-garou. Tu sais ce qu’il fait, le loup-garou, aux petites filles qui ne mangent pas leur soupe ? Il leur pince les mollets et leurs petites fesses rondouillardes Ä J’veux pas qu’il vienne !" Rien n’est trop beau pour l’enfant de la femme morte : les meilleures institutions, les jolies robes, les cours de tennis, les leçons particulières… Alors, pourquoi n’est-elle jamais contente ? Pourquoi crie-t-elle dans le noir quand un avion passe dans le ciel ? "C’est quoi la guerre ?" Pourquoi ne veulent-ils pas lui avouer qu’"elle vient de la guerre, des immondices de la guerre, des cervelles rouges, des avant-bras sectionnés, des doigts séparés des mains, des corps décapités, des débris humains non identifiables, des corps rigides sous le linceul des cercueils exposés dans les chapelles ardentes, des ventres désintégrés par le souffle des explosions, des ventres noyés par les égouts éclatés, des ventres écrasés sous les abris, qu’elle vient des asphyxiés inertes dans les éclairs…" Depuis la révélation du secret de sa naissance, elle fait chaque nuit le même cauchemar : elle cherche dans les décombres son père et sa mère. "Les éclats d’obus étaient entrés dans le ciment, dans les briques, dans le plâtre, dans le zinc, dans les tuiles, dans la peau, dans la chair, dans les cheveux, dans le ventre, dans la tête, la mort avait dessiné ses lézardes… où est mon père ? Où est ma mère ?"

Tentation de la folie. La folie est là, tapie dans un coin du cerveau du bébé, de l’enfant, de la femme, de la mère ; il lui faut creuser, creuser sans cesse dans le magma de sa conscience utérine. Nulle paix pour elle tant qu’elle n’aura pas retrouvé le fil qui la relie à la famille de ses parents morts. Jour après jour, année après année, elle compulse frénétiquement les archives de Boulogne, toujours vêtue, hiver comme été, d’un long manteau noir qui lui bat les mollets. "Cherche ! cherche ! Tu te sentiras peut-être moins seule, à moins que ce ne soit pire et que tu te sentes encore plus orpheline que jamais parce que tu seras devenue la fille de tous ces tués qui n’ont pas l’habitude qu’on se penche sur leur souvenir…" Elle commence patiemment à inventorier la mort : "Hôpital de Sèvres. Femme non identifiée. Cheveux châtains avec chignon. Plus de visage. Hôpital Bichat, hôpital Laënnec…" Elle ne dort plus, mange à peine, se rend titubante à la salle des archives de l’hôtel de ville de Boulogne. "Où sont mes bombardements, ceux d’avril 44, avec un dossier rouge ?" Le magasinier, indifférent, l’a rangé, il n’a pas le temps de s’en occuper. Elle retient sa colère, les invectives qui montent à sa bouche. "Alors subitement elle se fait honte. Elle se déteste. Un immense dégoût d’elle-même et de sa recherche l’envahit. Elle a honte d’être ici, de gaspiller sa vie, de venir tous les jours, de réclamer des dossiers qui sont pleins de sang et de lambeaux humains déchiquetés, de se nourrir des morts comme un vampire… C’est comme si la vie n’avait plus de signification… comme si les mots n’avaient plus de sens. Mais ce n’est pas la mort qui doit être la plus forte, c’est la vie." Elle a toujours su qu’elle ne trouverait rien, mais elle avait besoin de rester parmi les tués. "… je les connais tous ces morts des bombardements, j’étais avec eux, on était ensemble, on a vu ensemble la mort violente fondre sur nous, on ne peut plus aimer votre monde, on ne peut pas aimer vos guerres, on n’a plus confiance en rien ni personne." Enfin, elle accepte de vivre, elle a guéri, elle ne porte plus son manteau informe, son uniforme de guerre. Elle est vivante, elle le crie. Par l’écriture, elle témoignera contre la guerre, pour qu’on n’oublie pas ces multitudes de civils tués de par le monde. Témoin par le sang, par les nerfs, par la peau, par la vie qui s’échappe de la mère blessée à mort, Chantal Chawaf a écrit "le Manteau noir", un livre fort et exigeant, impudique et vibrant, qui montre d’une façon impitoyable les ravages de la guerre dans le céur et l’esprit d’un enfant innocent.

En 1944, en cinq mois, d’avril à août, les bombardements ont tué sept mille personnes et en ont blessé neuf mille.

 

"Le Manteau noir" est publié chez Flammarion. Les autres livres de Chantal Chawaf sont disponibles aux Editions des Femmes, au Mercure de France, aux Presses de la Renaissance, chez Stock, Pauvert, Ramsay et Plon. C’est une éuvre importante qui fait l’objet d’études approfondies dans différents pays.

01/02/2009

Colette Fellous recommande déjà Guillemette Andreu (France Culture)

Carnet Nomade de Colette Fellous sur France Culture recommande (déjà !) "Tableau d'honneur"...

émission du dimanche 1er février 2009
Voyages en enfance

http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/carnet_nomade/fiche.php?diffusion_id=69826

Guillemette Andreu
Tableau d'honneur
Des femmes-Antoinette Fouque - 2009

"La guerre a fait des ravages dans les rangs. Les monuments aux morts de la région en témoignent. Invraisemblable saignée d'hommes dans la force de l'âge. La petite Lise lit l'effondrement de la natalité dans les rangs clairsemés des communiantes...
Femmes vêtues de noir, orphelins à ne plus savoir qu'en faire, c'est un voile de deuil qui recouvre le pays. Les consolations à cette tristesse ? Peu. La recherche d'une amitié sincère, d'une parole tendre, d'un adulte compréhensif. Et puis, dans cette grisaille entretenue par la misère et le chagrin, l'éblouissement de la lecture. Et pas n'importe laquelle. Les Misérables, le livre compassionel. Mais cela suffit parfois pour avancer dans la vie. Soudain on n'est plus seul. On est des millions. Et parmi ces millions, il va se trouver Guillemette Andreu pour reprendre le chant hugolien et laisser derrière elle une trace lumineuse."
Jean Rouaud

A paraître en février 2009.

Thierry Gandillot écrit sur "Le manteau noir" dans L'express (article du 5 février 1998)

chawaf2.jpgLa vie après les morts

Par Gandillot Thierry, publié le 05/02/1998

 

Une enfant adoptée cherche la vérité. Chantal Chawaf signe une hallucinante descente aux Enfers.

C'est un bébé qui fait peur. A la pouponnière de Boulogne, les puéricultrices évitent d'instinct le «petit poids» qui occupe le lit n° 7. Elle se nomme Marie-Antoinette, mesure 50 centimètres et pèse trois kilos quatre. Les nurses ne savent rien de ses origines; mais elles sentent que ce poupon, «rayonnant d'une vie fixe, étrange», n'est pas comme les autres. Ce qu'elles ignorent: le drame de sa naissance.

La fillette a été arrachée par césarienne à sa mère morte, tuée en compagnie de son mari, porte de Saint-Cloud, pendant le bombardement du 15 septembre 1943, dans l'automobile qui conduisait le couple vers une clinique chic de Boulogne où devait avoir lieu l'accouchement. Le destin en avait décidé autrement. L'action du 15 septembre devait être la dernière de cet été sanglant. Or le médecin qui sauva le bébé remarqua que, dans leur inquiétude, les futurs parents s'étaient précipités à la clinique une semaine trop tôt. Sans cette hâte, toute la famille serait encore vivante.

Une seule personne sait la vérité, la directrice de la crèche. Yvonne de Chaumont est impressionnée par ce bébé qui «semble n'avoir plus de vivant qu'une gravité d'adulte, qu'une blessure existentielle qu'on lit dans son regard dilaté, à vif, comme des chairs écorchées». Elle sait aussi que ses parents sont d' «excellente souche», comme on dit dans son milieu. Trichant avec la loi, elle va proposer à un couple d'amis qui ne peut pas avoir d'enfant d'adopter en toute illégalité la petite miraculée.

Jeanne et René de Lummont acceptent. Lui est un aristo qui magouille dans les milieux collabo. Ce sera Daddy. Elle, oisive avec un léger penchant pour la bouteille, possède une gouaille célinienne. Ce sera Dadou. Ils sont fous de la gosse, maladroits, grossiers, vulgaires; elle refusera leur amour. Au risque de la folie.

Un jour - Marie-Antoinette a 20 ans - excédés par son hostilité, ses parents adoptifs lui «lâcheront le morceau». A un détail près: ils ignorent le nom de ses parents. Ils savent seulement que sa mère appartient à une grande famille du Nord et son père, à l'aristocratie poitevine. Les Lummont n'ont jamais voulu en savoir plus. Et Yvonne de Chaumont a emporté son secret dans la tombe.

C'est le début d'une hallucinante descente vers ces Enfers que Chantal Chawaf va visiter, cercle après cercle, de son écriture obstinée, ravinée, douloureuse. Pendant trente ans, Marie-Antoinette va se murer dans sa détresse. Jusqu'au jour où, à l'âge de 50 ans, elle plonge dans les archives de Boulogne. Troncs décapités, têtes mutilées, bouillies cérébrales, sexes en putréfaction, jambes sectionnées, bras déchiquetés: les comptes rendus administratifs méticuleux des massacres de septembre 1943 s'entassent, témoignages désincarnés d'une horreur que le foetus a vécue dans toutes les fibres de son petit être prêt à respirer la vie. Vrombissement des avions porteurs de mort, stridence des piqués, souffles de feu, éclairs de la mort blanche, brûlure des corps, odeur des chairs calcinées. Cauchemars. Mensonges. Folie.

Un demi-siècle après la tragédie, un fantôme vêtu d'un long manteau noir arpente la nuit de Boulogne à Auteuil pour se débarrasser de «cette souillure de la mort» qui s'est incrustée en lui, depuis que l'horreur a frappé porte de Saint-Cloud. A la recherche de la vérité. Si elle existe.

Le Manteau noir, par Chantal Chawaf. Flammarion, 420 p., 125 F.

Oeuvres de Michelle Knoblauch (exemples de bijoux)

 Quelques bijoux imaginés/réalisés par Michelle Knoblauch :

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