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30/10/2008

Joël Schmidt, excellent lecteur des "Obscures" (Réforme, 30.10.08)

schmidt.jpgREFORME 30 oct/5 nov 08

EXORCISMES. Quatre romans qui font appel des ombres, des stérilités, des tromperies, des noirceurs, de l'identité perdue...

FIN DE MONDES ?

(...)

YASHAR, LA TCHERKESSE

Le roman de Chantal Chawaf, "Les Obscures", porte bien son titre, transportant la narratrice, Lise, abandonnée par son époux, d'origine turque, qui lui a laissé une fille, Yashar, au bord des eaux noires d'un lac quasi méphitique, issu de quelques mythologies nordiques, et au coeur d'une banlieue ténébreuse, hostile et dangereuse.

Dans ce climat de haines sournoises, Yashar, la Tcherkesse, la fille des steppes, semble se confondre peu à peu à la désolation des lieux, visqueux, marécageux, rebelle, violents, au bord d'une démence provocatrice, révoltée et sauvageonne qui est à l'avers absolu d'une lucidité trop éblouie. Lise développe dans une série d'hallucinations visionnaires, rêveuses et auditives, tout ce qui dans sa condition de femme a pu la heurter au point que le lac la renvoie à ses humeurs, à l'humide, aux secrets et à l'effroi du corps féminin.

De cette noirceur apparente jaillit par éclairs plus ou moins étendus un appel à une libération de Yashar, condamnée aux camisoles, alors que l'amour, la compréhension, la liberté, et non point l'enfermement, sont les seuls remèdes à cette femme et à sa mère de substitution pour échapper au monde totalitaire d'une banlieue tyrannique. En apposant et en opposant ces deux femmes à cet univers stérile, Chantal Chawaf joue le clair-obscur magistral d'une partition romanesque qui, dans sa symbolique et son emblématique, pétries par nos terreurs contemporaines, n'a, une fois encore, pas d'égale dans notre littérature. (...)

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