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30/03/2009

Antoinette Fouque, Elisabeth Badinter, même combat ! (sur la gestation pour autrui) - La Une du Monde daté du 31 mars 2009

1941.jpgSoixante personnalités et chercheurs lancent un appel pour une légalisation encadrée des mères porteuses
LE MONDE | 30.03.09 | 14h04

Dans un appel lancé samedi 28 mars, une soixantaine de personnalités demandent la légalisation des mères porteuses. "Nous pensons que la gestation pour autrui ne porte pas atteinte à la dignité de la femme si elle est pratiquée dans des conditions claires et sûres, altruistes, dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation, qui exclut toute marchandisation de la personne", affirment-ils.

Mère porteuse : un ultime recours, toujours illégal en France
Cet appel a été lancé par Clara, une association fondée par Sylvie et Dominique Mennesson, parents de jumelles nées en 2000 grâce à une mère porteuse californienne. Malgré une première décision de justice favorable en 2007, ces petites filles ont été privées d'état civil, en France, par la Cour de cassation, du fait de l'interdiction de la gestation pour autrui inscrite dans les lois de bioéthique de 1994.

L'appel a été signé par la philosophe Elisabeth Badinter, la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval, la féministe Antoinette Fouque, le député Noël Mamère, la sociologue Dominique Mehl, le médecin Israël Nisand ou encore l'avocat Frank Natali.

En cette année de débat sur la révision des lois de bioéthique, les signataires plaident pour une légalisation encadrée de cette pratique tolérée en Belgique et aux Pays-Bas, autorisée au Royaume-Uni, en Grèce, au Canada et aux Etats-Unis. Trois des signataires expliquent leur engagement.

François Olivennes, spécialiste de la médecine de la reproduction : "Aujourd'hui, en raison de l'interdiction de la gestation pour autrui, les femmes privées d'utérus sont les seules femmes infertiles auxquelles la médecine ne peut rien proposer. Contrairement à ce que l'on dit souvent, je ne crois pas que cette pratique conduirait à une marchandisation du corps humain : il faut, pour éviter toute dérive mercantile, que la loi interdise la rémunération de la femme porteuse et impose le seul remboursement des frais occasionnés par la grossesse.

Il y a, depuis la nuit des temps, des femmes qui ont envie d'aider d'autres femmes à avoir des enfants, sans qu'elles soient pour autant folles ou désespérées. Les études montrent ainsi que les femmes porteuses considèrent cette grossesse comme un don et qu'elles ne sentent pas la "vraie" mère de l'enfant. Reste, bien sûr, que toute grossesse présente un risque médical : c'est pour cela que la loi doit prévoir une parfaite information de la gestatrice."

Elisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse : "Il faut changer l'ensemble des lois sur la filiation afin d'ouvrir tranquillement la voie aux nouvelles formes de procréation. En France, la gestation pour autrui se fait de manière sauvage, dans une certaine clandestinité : plutôt que de crier à l'apocalypse, encadrons donc les pratiques pour éviter que n'importe qui fasse n'importe quoi.

Ainsi, il vaut mieux, à mon sens, que les mères porteuses aient déjà eu des enfants et qu'elles ne puissent pas porter l'enfant de leur fille ou de leur soeur : tout ce qui est incestueux est à bannir. La rémunération doit en outre être limitée pour éviter que des femmes s'engagent dans cette voie pour des raisons strictement commerciales. Enfin, il faut que la mère ait la possibilité de garder l'enfant, à la naissance."

Maurice Godelier, anthropologue : "Avec les mères porteuses, le processus de la maternité est scindé en deux : une première femme assume la conception, une seconde la grossesse, ce qui est nouveau dans l'histoire de l'humanité. La gestation pour autrui est le fruit des progrès de la médecine, mais c'est aussi le produit des évolutions de la parenté dans les sociétés occidentales : je pense à la valeur extraordinaire que nous accordons à l'enfant et à l'importance que nous attachons à notre liberté de choix de vie au-delà des institutions consacrées et des rituels traditionnels.

La gestation pour autrui, comme l'homoparentalité, a été inventée par des couples qui trouvaient là une solution à leurs problèmes mais qui ne se rendaient pas forcément compte que leurs pratiques allaient dans le même sens et qu'elles se sont cristallisées dans des revendications communes. Ce mouvement est irréversible en Occident et ces pratiques seront de mieux en mieux acceptées par nos sociétés. Il n'y a pas de raison de les refuser, mais elles doivent être l'objet d'un débat politique et culturel sérieux et être encadrées de réglementations très claires définissant les responsabilités, c'est-à-dire les droits et les devoirs de chacune des personnes engagées dans ces relations."

Commentaires

Je suis profondément POUR la légalisation de la gestation pour autrui en France, tout en légiférant avec attention pour éviter toute dérive. Je suis très heureuse de voir qu'il existe enfin un vrai débat sur le sujet. En effet, je sais maintenant depuis treize ans que devenir mère sera un parcours long et difficile, en raison d'une maladie orpheline, le mrkh, qui m'a fait naître sans utérus. Tabou pendant de longues années, le sujet devient enfin abordable, on peut se sentir femme sans utérus, et même envisager de devenir mère… rêve de toujours que je n'osais plus faire… On m'avait parlé de greffe d'utérus, mais je suis devenue médecin, je sais aujourd'hui que cela ne sera pas possible avant de très nombreuses dizaines d'années. Puis l'adoption, parcours magnifique d'une double rencontre, d'un double apprivoisement entre deux parents et un enfant ; mais ce n'est pas du tout la même démarche qu'un enfant biologique, dont la conception est pensée à deux. Dans le cas de l'adoption, l'enfant existe déjà. Il a son histoire et en tant que pédopsychiatre, je peux dire que devenir parent d'un enfant adopté est un chemin parsemé de difficultés pour lesquelles on n'est jamais assez préparés : l'enfant a été conçu par d'autres personnes, qui l'ont désiré ou pas, la mère peut avoir bu pendant la grossesse, avoir décidé de le garder puis de l'abandonner… L'enfant a une histoire et je respecte profondément les couples qui sont prêts à prendre tous les risques - et il y en a tellement, du « simple » rejet à l'adolescence, aux troubles envahissants du développement ou troubles autistiques en cas de carence affective dans la prime enfance -. Personnellement, avec mon mari, nous ne sommes pas dans cette démarche : attendre des années pour avoir un agrément, pour pouvoir avoir un enfant, souvent déjà grand, et avec une histoire parfois si lourde… A ceux qui parlent de commercialisation dans la GPA, vous ne pensez pas que l'adoption est une affaire d'argent ? 5ans d'attente peuvent devenir 2 ans avec suffisamment de bakchichs… Et à ceux qui disent « marre du tout biologique, adoptez ! », je répondrai, je ne veux pas un enfant qui me ressemble, je veux pouvoir construire ma famille à partir du désir d'enfant, de l'intentionnalité : et ça ne dure pas seulement 9 mois. Mon projet d'enfant mûrit en effet depuis treize ans (je dis souvent que je suis en gestation depuis tout ce temps…) : il a mûri seul, puis il se construit depuis 3 ans avec mon mari et il aboutira, je l'espère, grâce à une nounou que nous ne connaissons pas encore.
Je rappelle au passage à ceux qui brandissent l'étendard « attention à l'esclavagisme », que, dans les propositions faites par l'association clara, les femmes se proposant pour être des gestatrices devront avoir suffisamment de ressources financières, avoir déjà eu des enfants ; il y aurait un défraiement de la grossesse et non une rémunération ; cela resterait de l'ordre du don : il y aura ainsi peut-être peu de candidates mais cela restera ainsi un geste d'amour. Et je connais déjà beaucoup de femmes de mon entourage qui sont prêtes à aider un couple en mal d'enfant.
Quant aux échanges foetomaternaux, oui ils existent. C'est pour cela que nous parlons de « nounou prénatale » : l'enfant doit avoir la possibilité de garder des liens avec la fée qui l'aura porté pendant neuf mois et il ne peut d'ailleurs y avoir d'anonymat. Mais qu'on nous dise que ces échanges sont indélibiles et que c'est pour ça que la GPA ne peut être légalisée. Cela revient à dire à toutes les femmes modernes qui travaillent et qui ont des enfants qu'elles sont obligées de confier à une nounou « redevenez femme au foyer, sinon, attention, votre enfant va tisser des liens indélibiles avec sa nounou… » Vous imaginez le tableau, machiste à souhait…
Et enfin à ceux qui disent qu'on ne sait pas ce que deviendra psychologiquement cet enfant, qui parlent « d'abandon programmé », je les rassure tout de suite : il ne sera pas abandonné puisqu'il est attendu depuis trois ans, depuis le début de notre projet parental. Et je peux vous assurer qu'il ne manquera pas d'amour. Si par malheur il devait être handicapé ? Comment oser poser la question : je suis sa mère intentionnelle, le lien est déjà en place avant sa conception et la question se pose de la même façon qu'à n'importe quelle femme qui en accouchant découvre son enfant : c'est le sien. Et moi, c'est déjà le mien, handicapé ou pas.
Et qu'on arrête de nous rabattre les oreilles avec le « droit à l'enfant ». Ou alors qu'on s'en prenne aussi à toutes les femmes qui à 38 ans se disent que vite elles laissent passer le coche et qui se jettent sur le premier venu pour avoir un enfant parce qu'après c'est trop tard. Moi, je ressens en effet un puissant désir d'enfant, parce que j'aime mon mari, que je veux construire avec lui ma famille, le voir dans le sourire de nos enfants. Oui. Et je n'ai pas honte de le dire et ce n'est pas « à tout prix », puisque la médecine sait le faire, et que l'on sait que l'on est capable en France d'éviter les dérives, si la loi est pensée et pesée.
Croyez bien que si j'avais pu être enceinte (et en connaître les joies inhérentes, ce qui ne sera jamais le cas) je ne serais pas en train d'écrire sur ce forum : je serais mère depuis 3 ans…
Donc que les donneurs de leçons qui ont pu construire leur famille soient plus tolérants et se rappellent la naissance de leurs enfants pour nous laisser connaître nous aussi le bonheur d'aimer.

Écrit par : laurafiv | 22/04/2009

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