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03/10/2008

La quatrième de couverture de Ouest France !! (03.10.08)

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vendredi 03 octobre 2008
Antoinette Fouque, une vie de féministe

Diplômée de lettres modernes, psychanalyste, politologue, députée au Parlement européen de 1994 à 1999 (élue sur la liste Tapie), Antoinette Fouque a fondé la maison d'édition des Femmes en 1973, des librairies, un observatoire de la misogynie, un club de la parité en 1990. : Claude Stefan

Le 1er octobre 1968, dans un petit appartement de Paris prêté par Marguerite Duras, Antoinette Fouque et deux amies fondaient le MLF, le Mouvement de libération des femmes. Rencontre, quarante ans après, avec une sacrée « mersonnage ».
De la courte histoire du féminisme, à l'échelle des hommes, le grand public retient en général Olympe de Gouge la révolutionnaire, Flora Tristan l'initiatrice des clubs féminins en 1840, Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir, les combats de Gisèle Halimi pour le droit des femmes. Il cite moins Antoinette Fouque.

Sa bouille, pourtant, est reconnaissable entre mille: des yeux frondeurs sous un casque de cheveux désordonnés de la même façon depuis toujours. Mais son discours brillant est plus difficile d'accès : il faut connaître un peu la pensée de Roland Barthes avec qui elle a étudié, celle de Lacan qui l'a formée à la psychanalyse. Il est moins médiatique, en tout cas, ce discours, qu'une action coup d'éclat. Comme le dépôt de la gerbe « à la femme inconnue du soldat inconnu » sous l'Arc de triomphe, en août 1970, ou le slogan « Une femme est un homme comme les autres ».

Antoinette Fouque est une intellectuelle, une penseuse. Elle incarne un courant réformiste du féminisme. Elle ne prône pas un égalitarisme qui voudrait s'absoudre du naturel : pour elle, la femme a un utérus et c'est elle qui donne la vie, « si elle veut ». Cette battante n'a jamais brûlé de soutien-gorge, méthode de « militante américaine ». Mais elle sait remettre un académicien à sa place, en l'occurrence Maurice Druon, lorsqu'il refuse, en 1994, toute féminisation des mots sous prétexte que le masculin est le genre neutre de la langue française. « C'est oublier que le masculin a absorbé le neutre qui existait en latin, rappelle celle qui se méfie de la neutralité. Ceux qui se disaient neutres en politique, pendant la guerre, c'était surtout des collabos. »

Lire du Antoinette Fouque dans le texte est compliqué. L'écouter, beaucoup plus simple. Elle est née à Marseille, dans la chaleur populaire du Vieux Port, en 1936. Née d'un berger corse qui désirait un troisième enfant, et d'une mère calabraise, « analphabète mais poète à sa façon », qui le souhaitait moins. Elle s'est mariée en 1959, a eu une fille, Vincente, en 1964. Pas de machisme à la maison, pas de divorce, pas d'avortement mais elle a milité pour. Un petit-fils, Ezequiel, « en CE1, qui sait déjà tout de la différence garçon-fille ». Antoinette Fouque a mis davantage de temps à la ressentir...

« Fille de prolétaires de tradition catholique », instruite à l'école de la République , elle s'est toujours sentie l'égale de ses copains de la faculté des Lettres d'Aix-en-Provence. La naissance de sa fille va tout bouleverser. La voilà mère, enseignante, en pleine période révolutionnaire. En 1968, elle est à la Sorbonne de l'aventure du Comité révolutionnaire d'action culturelle avec André Téchiné, Umberto Eco, Nathalie Sarraute... mais s'aperçoit vite que la révolution de Mai, la lutte des classes, « a surtout conduit à la libération des hommes ».

Octobre 68 sera celle des femmes. Antoinette Fouque et ses amies Monique Wittig et Josiane Chanel se retrouvent dans un petit appartement de la rue de Vaugirard, à Paris, prêté par Marguerite Duras. Leur petit groupe de discussion sur le corps, la sexualité des femmes, s'agrandit. Sans homme, au départ. « Il fallait que la parole se libère, sans le poids de la domination et du discours masculin. » Et la dure réalité jaillit. « Des viols, des mères battues par leur mari »... Le MLF est lancé, entraînant dans son sillage d'autres mouvements pour les droits des femmes.

« En quarante ans, elles n'ont rien lâché », observe la Marseillaise , fière du résultat. Fière aussi de sa méthode, humaniste et sans arme, contestée par des courants plus radicaux. « Le mouvement n'a pas basculé dans le terrorisme et les Françaises, aujourd'hui, sont celles qui ont le plus fort taux de natalité et qui travaillent le plus. »

Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire. « Les femmes n'ont pas encore conquis les grands corps d'État et elles ne possèdent que 1 % de la richesse mondiale quand elles en produisent 80 % ». L'athée qu'elle est devenue observe aussi un retour du religieux. Elle l'analyse comme « une réaction violente à la libération des femmes de l'Occident », comme un soubresaut dans un mouvement en marche. « Le seul qui reste de 1968. »

La crise économique l'inquiète davantage. « Elle frappera d'abord et encore les plus faibles, c'est-à-dire les femmes. »

Ah !, encore deux ou trois choses sur Antoinette Fouque. Elle possède trois maisons, l'une sur la côte varoise, la deuxième sur une île du golfe du Morbihan (elle trouve les Bretons « courtois ») et la troisième à Paris, à Saint-Germain-des-Près. Elle adore causer avec une grande copine catholique, aristocrate et mère de douze enfants, de « sa fascination pour la procréation ». Elle est aussi très amie avec la créatrice Sonia Rykiel. Elle ne se maquille jamais.

Mercredi, c'était son anniversaire. 72 ans. Son petit chien est mort la veille. Elle est clouée sur un fauteuil roulant par une maladie invalidante. N'en parle jamais. Va jusqu'en Birmanie, soutenir la résistante Aung San Suu Kyi. « Tout va bien ». « Les femmes portent l'espèce humaine ». Et les nouvelles générations, croit-elle, en ont conscience.

Christelle GUIBERT.

Photo : Claude STEFAN.

40 ans du MLF. Un film de la série Empreintes, réalisé par Julie Bertuccelli, sera consacré à Antoinette Fouque le 10 octobre, à 20 h 35, sur France 5 (TNT, rediffusion le 12 à 9 h 30 sur les chaînes hertziennes). Le 16 octobre, sortie du livre Génération MLF, 1968-2008, aux éditions des Femmes. Rens. au 01 42 22 60 74 ou sur www.desfemmes.fr

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