01/07/2008
Marc Alpozzo interviewe Michèle Ramond (Les Carnets de la Philosophie, été 2008)
LES CARNETS DE LA PHILOSOPHIE, trimestriel n°4 juillet-août-septembre 2008
Entretien avec Michèle Ramond
Propos recueillis par Marc Alpozzo
Marc Alpozzo : Vous êtes enseignante et écrivaine. Lise et Lui (des femmes, 2008) est votre dernier roman. Qui est le personnage de Lise ?
Michèle Ramond : C’est une femme avec qui je m’identifierais volontiers, Lise étant un nom qui implique la lecture et l’écriture. C’est une adresse au lecteur de la part de quelqu’un qui a un peu peur de ne pas être lu. Lisez-lui. Lise est un peu folle. Elle se bat pour un monde meilleur, et elle a une relation très ambiguë avec un double masculin qu’elle apostrophe, qu’elle semble à la fois solliciter, redouter, aimer. Elle est d’une grande ambivalence. Ce double masculin, qui est aussi un peu elle-même, est à la fois son amant, son père, son frère, son fils. Peu importe son étiquette généalogique. C’est l’homme avec ce qu’il représente de bon et de mauvais. Nous vivons dans un monde cruel, gouverné par l’argent, la recherche du profit, le goût du pouvoir, sans considération pour les plus faibles. Cette domination est globalement masculine, représentée par la classe des hommes, elle fait le plus grand tort aux femmes, mais elle en fait aussi aux hommes. Les hommes sont, je crois, souvent des tendres, mais ce monde les pousse à la cruauté. Dans le premier chapitre « Lise écrit », Lise s’adresse à ce double qui est le tyran Cyrus, mais j’aurais pu dire Bush ou Sarkozy ou Poutine. J’ai dit Cyrus car c’est un personnage mythologique qui fait rêver, et je n’ai pas envie de contextualiser davantage. Ce nom quand on l’écoute peut faire penser à un nuage, également, à un cirrus cyclonique, et il est exotique, il situe la relation homme/femme dans un temps et un espace légendaires, comme s’il s’agissait d’une fable avec sa morale.
Vous jouez sur la consonance. Lise est un prénom et Lui est impersonnel. En même temps, c’est un jeu de mot avec Louis.
Lui est d’abord Cyrus, le double cruel qui a marginalisé la femme, que ce soit sa sœur, sa mère ou son épouse, le sanguinaire qui aime la guerre, qui aime être avec ses troupes, qui répand la mort et la haine. En même temps, cette figure est complètement réversible. Elle devient subitement, dans le deuxième chapitre, Louis. Et à ce moment-là, lui c’est Louis Langlois, l’ouvrier méritant, le prolétaire qui se bat à son tour, comme Lise, pour un monde meilleur, l’utopiste, le résistant : Louis ce héros. On peut alors entendre « lui » comme l’homme total à qui Lise adresse une épître d’amour et de mise en garde. Lui devenu Louis c’est l’homme dans sa dimension lyrique, tragique, attendrissante, il y parfois un peu d’humour tellement les discours de Louis sont enflammés. Il y a aussi de l’humour dans les emballements de Lise, l’excessive !
Lise est mise en lumière sans que Lui soit mis dans l’ombre, mais vous faites resurgir les ténèbres que les hommes amènent par cet esprit de domination auquel ils ont accédé. Vous dénoncez alors l’injustice, non pas celle des hommes, mais celle qui a été créée par ceux qui ont créé ce monde, un monde patriarcal. Et peut-être aurait-il été autrement s’il avait été créé par les femmes.
En effet, s’il avait été créé par les femmes, il aurait été différent. Je ne sais pas s’il aurait été meilleur. Ce livre a été écrit dans une idée de réconciliation possible entre Lise et Lui. La conjonction de coordination appelle, non pas la fusion, mais une reconnaissance de l’un par l’autre. Il y a également une mise en équilibre. Lise a une vie de jour, par exemple elle écrit ses lettres à Cyrus pour tenter de le faire fléchir. Elle court comme une folle autour des remparts de la ville et voit le fleuve où flottent les cadavres des femmes et des enfants tués par la guerre, alors que Louis a d’autres activités, il est un tribun acclamé par les ouvriers qui luttent avec lui, il se bat contre les « rexistes », les fascistes de tous bords. Et de nuit, Lise devient une déesse caïman, sous cette forme magique elle invoque la mémoire de parents, elle se recueille sur une île du fleuve, elle sert un culte aux ancêtres, un peu comme une Antigone. Elle a été un peu Électre, au début du livre, quand elle pense à un stratagème pour piéger la mère patriarcale à qui elle reproche de donner sa préférence au fils tyran. Mais la nuit, quand le spectre des parents lui apparaît, la mère est une autre mère, elle est une revenante fragile, à qui le père revenant lui aussi accorde beaucoup de soins. Et ce père n’est pas le père patriarcal, mais le père tendre et lunaire, comme fut le mien. Ils sont morts tous les deux et ils réapparaissent au-dessus de l’horizon, tandis que Lise les contemple nuit après nuit, rendant hommage à sa généalogie ; révérencieuse à ceux qui l’ont fait naître.
Tout cela, c’est la nuit de Lise, tandis que Louis, la nuit, a d’autres activités. Il se réunit avec ses camarades de lutte, il fait des plans de résistance, il y a d’ailleurs des femmes qui se joignent à eux, il se bat à mains nues contre des traîtres à la liberté. Ces traîtres un peu fantasmatiques pourraient être n’importe laquelle de ces forces impies qui mènent la société actuelle à sa ruine, cette société libérale, capitaliste, militarisée et mercantile, sans considération pour les valeurs démocratiques, qui sacrifie la matière humaine à ses intérêts immédiats. Je n’incrimine pas l’homme, l’autre sexe, le compagnon, mais cette classe à dominante masculine, il faudrait plutôt dire « mâle », que la passion de l’argent et le goût immodéré du pouvoir, de ses bénéfices et de son exercice ont rendu monstrueuse.
Transformer le monde. C’est tout à fait marxiste. Mais chacun le transforme à sa manière.
En effet, parfois Louis est un utopiste. Il est évident qu’il a lu Marx et Engels, il est inspiré par leur style, de façon un peu naïve, avec du romantisme. Il a un idéal humaniste, parfois très inspiré, c’est un mystique matérialiste. Lui et Lise ont une dimension tragi-comique car on les sent assez dépourvus face à un destin mondial presque irréversible, ils donnent l’impression d’accomplir une mission impossible avec le sérieux des enfants qui ne perdent pas la foi, malgré les obstacles. Pour Lise cette part d’enfance est encore plus évidente, elle est très seule, elle ne se rapproche pas suffisamment des autres femmes, elle a l’esprit très occupé par sa révolte et par le frère qu’elle harangue et qu’elle tente de récupérer, d’attirer à sa cause.
N’est-ce pas le symbole même de la condition humaine ? Des héros certes, mais toujours déchus. Vous faites un renvoi à la mythologie grecque, mais à partir de cette mythologie n’êtes-vous pas en train de tenter un décryptage de la vanité des hommes qui pensent pouvoir transformer le monde à leur mesure ? Parce qu’enfin, chez les Grecs, on trouve aussi le fatum. Or, le destin de notre monde à présent, n’est-ce pas la technique et la rationalité qui imaginent pouvoir maîtriser la nature et les hommes alors qu’elles ne font que les ruiner ?
C’est exactement cela. Ils se battent l’un et l’autre, chacun dans son camp, elle par le rêve, le mythe, la fiction, le délire verbal parfois, lui dans l’action, la militance, la griserie philosophique, chacun selon son style essaye d’échapper à ce fatum qui est l’enchaînement irréversible dans lequel la matière humaine, la masculine ET la féminine, les deux sexes confondus, se rencontrent. Ils sont isolés dans leurs combats parallèles et pourtant confondus dans ce cataclysme qui est en train de les broyer. Le texte évoque sans cesse ce cataclysme par des images et des situations que nous pourrions dire poétiques, elles ne sont pas réalistes, elles sont prémonitoires malgré tout. On sent bien qu’à continuer ainsi la matière humaine, dont la littérature ne peut ni ne veut se passer, sera liquidée. Il faut donc que la femme et l’homme (Lise et Louis) se retrouvent, au-delà de leurs ressentiments et de leurs différences ou désaccords pour redessiner une cartographie mondiale plus humaine.
Mais pensez-vous que ce soit encore possible ? Par exemple, pensez-vous que la littérature n’est pas à présent impuissante à changer le monde ?
J’espère qu’elle ne l’est pas. Par exemple, un livre peut agir sur les individus. Un livre peut nous consoler dans la peine, ou calmer notre soif de pouvoir ou de vengeance. Je pense qu’il y a une dimension éthique dans un beau livre. Je pense que la séduction que le livre opère par la beauté du style, par le caractère incongru ou imprévisible des images est alliée à une force morale. La beauté en littérature est une figure éthique, elle agit comme un contre-pouvoir, la littérature peut, je le crois vraiment, combattre les effets néfastes du pouvoir tyrannique de Cyrus, il est important de lui reconnaître cette vertu qui est aussi la force du désespoir. L’ennui c’est que les lecteurs se détournent de ce genre de livres, qu’ils recherchent des livres plus légers, de la distraction, des histoires d’amour et de luxe, ou alors des livres d’Histoire qui nous ramènent au passé, ou des biographies qui font rêver à des vies exceptionnelles. La littérature est discréditée aujourd’hui, peu promotionnée et peu vendue. Mais j’ai espoir que le monde peut s’arranger. Je crois qu’il y aura, à un certain moment, un soubresaut populaire qui rejoindra les rêves de Lise et l’action militante de Louis, un soubresaut qui saura faire la soudure entre féminin et masculin et qui parviendra à vaincre le monstre, comme dans les contes. Mais il y aura beaucoup de dommages avant que nous y parvenions. Alors il convient d’encourager la littérature pour précipiter la prise de conscience des hommes et des femmes, la littérature est une arme chargée d’avenir qui ne tue pas et qui peut provoquer des révolutions salutaires.
Vous ne croyez pas par exemple à une disparition de l’homme et de la femme ?
Ce serait terrible. Terrible que la femme vive éloignée de l’homme et l’homme de la femme. J’aurais peur de ces sociétés unisexuées, chacune soudée par des revendications spécifiques, des haines, des rancunes et des rivalités. Il me semble que les deux sexes devraient pouvoir se retrouver et se comprendre tout en conservant chacun ses spécificités. Ils se retrouvent déjà dans l’érotisme. Mais je crois qu’ils sont moralement de plus en plus séparés malgré les progrès législatifs pour combattre les inégalités sociales, civiques et politiques.
Lise ET lui ou lise EST lui ? Pensez-vous à une complémentarité ? Ou pensez-vous que la femme doive se trouver par elle-même sans se référer à ce que l’homme est ?
Lise est un objet de dérision bien souvent, un objet de sarcasme. Elle mange des racines, elle écrit inlassablement, elle vit dans une masure, elle court autour de la ville, elle se cache sous ses voiles, la nuit, elle se transforme comme Mélusine. Il y a une sorte de dimension comique dans cet apartheid de la femme. Mais Lise est également dans une sorte de quête. Elle accomplit sur elle une sorte de travail chimique de transsubstantiation. Elle travaille sur sa matière humaine pour se rendre meilleure. Et la nuit, on assiste à sa métamorphose. Elle devient cette déesse caïman. Elle a une forme de militance. Elle n’est pas du tout narcissique. Elle est même un peu christique. Comme le pélican qui fouille dans ses entrailles pour donner à manger à ses enfants. Elle s’auto-sacrifie. Elle macère son corps. Elle s’élève spirituellement. Tout cela se fait dans le secret, n’est vu de personne, sauf bien sûr du narrateur et du lecteur ! C’est un travail accompli sur soi, presque monacal, avec le ciel pour seul témoin. Sorte de mise en scène de l’effort de la femme dans l’écriture, pour que le monde aille mieux. Quant à l’homme, Louis Langlois, il fait un travail dans la foule, il est davantage incarné, il se bat avec les armes du résistant pacifiste et avec le discours politique. Mais les deux combats sont faits pour se rencontrer. La femme se donne un peu en holocauste. Et là, je m’identifie à Lise. L’écriture, je la prends dans ma substance vivante. Je sacrifie peut-être des années ou des mois de vie pour faire de cette écriture une offrande. Et si les deux, homme et femme, Lise et Louis, elle et lui arrivent à se rencontrer et à s’apprécier, il y aura alors une vraie union des sexes. Il faut savoir que les femmes sont aussi de grandes misogynes. Il faudrait que la femme se réconcilie avec la mère que la jeune fille considère, à son adolescence, comme une rivale, et c’est d’ailleurs réciproque. C’est une des grandes épreuves dans la vie d’une femme. Les choses vont mieux pour la femme lorsque cette épreuve peut être dépassé. Les femmes cessent alors d’être victimes de leurs ressentiments à l’égard de la mère et de la femme en général. Lise passe par cette épreuve, pourtant durant sa vie nocturne elle la vainc. Est-ce toujours possible ? L’ordre mondial tire profit de cette difficulté pour la femme, qui la rend souvent complice du tyran ou du moins qui l’empêche d’être solidaire des femmes, qui nuit à la sororité alors que les hommes fraternisent en hordes très soudées.
Chez la femme, on trouve un principe de réalité bien plus fort que chez l’homme, qui, lui, est peut-être plus ouvert à la métaphysique, à la philosophie ?
L’homme est plus rationnel, c’est vrai. Mes héros masculins se grisent parfois avec des idées, des concepts. Il y a une solidarité idéologique entre eux qui frise la drôlerie et qui est attendrissante. Dans ces moments-là, Louis est un peu exalté et en même temps un peu touchant. Ses compagnons de route le sont aussi, Folletière est un métaphysicien et un astrologue, Marodan un républicain espagnol plein de fougue socialiste et de nostalgie. Alors que Lise est plus dans la matière, dans le corps, mais elle l’utilise un peu comme la matière première des anciens alchimistes. C’est un corps que l’on cuit et qui se dépose, qui se modifie et se perfectionne, et petit à petit la lie est évacuée. Cette matière humaine peut alors donner sa sève. C’est un corps qui se spiritualise. Ce travail de Lise sur son corps est celui de l’écriture sur la langue maternelle, cuite et recuite jusqu’à pouvoir au mieux exprimer l’émotion, le tréfonds.
Vous évoquez également dans votre roman, la difficulté d’écrire. Comment vivez-vous l’écriture et le moment de la rédaction d’un roman ?
Je vis ce temps comme un travail sur moi-même. Quand j’écris, j’essaye d’aller vers autrui. C’est une écriture dans laquelle j’essaye d’être meilleure que je ne suis. Avec le travail sur la langue, les règles, les contraintes, on dit des choses plus importantes, on dit des choses plus inconscientes, pas forcément prévues, on dit l’impensé. Quand la matière devient lourde, ardue, on ne maîtrise plus ce que l’on dit, et le message est plus fort, plus durable. Il va susciter des exégèses. Et, à partir de là, tout lecteur va entrer en travail sur soi. Dans l’écriture, se formule une pensée que l’on ne maîtrise pas. Et c’est à ce moment-là que l’on risque de dire des choses qui pourront être profitables à l’humanité.
De quelles références littéraires vous nourrissez-vous ?
Le dix-huitième Siècle français, Montaigne, Platon, Proust, Marivaux, Duras, Colette, Woolf, Valéry, la littérature de langue espagnole, mes contemporaines en Espagne, en Amérique espagnole et en France. Je suis hispaniste, donc je me nourris beaucoup de littérature espagnole ou hispano-américaine. Je lis parfois les écrivains très distraitement, avec une attention flottante, surtout quand moi-même j’entreprends d’écrire, et souvent il y a quelque chose qui me met en chantier. Je crois beaucoup à l’intertextualité. On n’écrit rien de vraiment nouveau. On écrit autrement des choses déjà écrites par d’autres. Je crois qu’il y a une grande fraternité de fait entre les écrivains, je pense que l’écriture universelle résonne dans la moindre phrase qu’écrit un nouvel auteur. Il y a là une vraie humanité palpitante, très humaine, très érotique, très sensuelle, très spirituelle aussi, qui se niche dans la littérature. La littérature est un réservoir d’humanité. C’est un autre monde. Le monde imaginaire est en fait beaucoup plus utile que les écrits politiques. La philosophie, je la mets également du côté de la littérature. Les Méditations métaphysiques de Descartes c’est de la littérature. C’est très beau. On n’est pas forcé de comprendre rationnellement, il existe une autre compréhension qui est celle que sollicite ou permet la littérature.
Alors écrivez-vous pour dénoncer le monde ou pour l’embellir ?
Dénoncer, mais pas forcément pour détruire. En essayant de suggérer les voies d’un monde meilleur. Par exemple, au début du roman, Lise s’en prend à la mère de Cyrus, Parysatis, dont elle dit qu’elle est aussi la sienne, tout cela est très fantasmé. Ensuite, elle se réconcilie avec la mère qui devient une fragile apparition et qui soulève en Lise un émoi profond. Lise suit un chemin de perfection. S’améliorant elle-même, elle va davantage séduire ce frère bifront, tantôt Cyrus tantôt Louis, elle se met en situation de l’attendre, l’écriture semble travailler à ce que tous deux puissent se rencontrer, s’aimer et se comprendre. Je ne sais pas si l’homme et la femme vont se réconcilier à temps, mais je crois qu’une vraie compréhension l’un pour l’autre pourrait vraiment arranger les choses. Et ce qu’il y a d’atroce dans la domination masculine qui caractérise ce monde global capitaliste pourrait s’adoucir. Ce n’est pas une guerre des pouvoirs. Lise n’a pas envie de devenir puissante. Elle est pacificatrice et sa puissance est tout intérieure.
Alors que l’homme a besoin de cette puissance extérieure ?
Peut-être. Mais il est fragile, aussi. Et quand Lise le sent fragile, elle l’aime. Le pouvoir trouve toujours un pouvoir plus fort. Il est voué à broyer mais à être broyé également. Et Lise essaie de trouver un chemin de survie qui ne passe pas forcément par la prise de pouvoir.
Plus par la faiblesse. Cette faiblesse taoïste par exemple, qui donne tant de force à la force qu’elle finit par s’effondrer d’elle-même.
Oui. C’est joli ce que vous dîtes. Mais la force va rendre également hommage à la faiblesse. Et la faiblesse va du coup relever la force, lui dire : j’ai besoin de toi, mais elle va également lui demander de reconnaître la force de sa faiblesse. Et à partir de là, il va y avoir un nouveau lien nuptial.
Du coup, il y a une vraie complémentarité. Pas d’égalité, ou plutôt d’égalitarisme, cet égalitarisme dont la démocratie aussi se targue. Mais pas non plus d’interpénétration qui ressemblerait à une sorte d’invasion. La femme ne doit pas envahir la sphère masculine en prétendant être un homme.
Non ! Et en même temps, Lise EST lui. Ils finissent par s’équivaloir, sans pour autant qu’il y ait à passer par le stade de l’égalité et de la non-différenciation.
Ils vont s’équivaloir dans la différence ?
Oui ! Ce serait une belle conclusion philosophique. Mais il faut une égalité sociale, une justice, pour que cette équivalence dont rêve Lise et lui advienne. Et l’on se rendra compte, alors, que Lise et Lui sont faits pour se réconcilier et s’épauler contre un ennemi commun. Cet ennemi insoupçonné est un troisième sexe auquel, pour son malheur, le masculin s’est identifié, un sexe virtuel et exterminateur qui a beaucoup de ressemblance avec le capital, un monstre que le patriarcat a nourri, que les fratries ennemies fortifient, que les intégrismes voient grandir et prospérer et qui nous anéantira tous, hommes et femmes, mettant fin à la guerre des sexes qu’il a excitée, mais aussi à toute vie humaine sur terre. Louis Langlois a parfaitement perçu l’existence de ce monstre, c’est contre lui qu’il livre le combat du chapitre « Une nuit de Louis ». Lise confond presque toujours ce monstre avec son double masculin parce que ce dernier, surtout lorsqu’il s’identifie à Cyrus, lui ressemble beaucoup. Vous voyez, c’est dans l’écriture que nous avons découvert ce troisième sexe, pas dans la pensée éveillée ! C’est la découverte de Lise et Lui. Pas la mienne.
21:55 Publié dans Michèle Ramond | Lien permanent | Commentaires (0)
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